Monde en Question

Analyse de l'actualité économique, politique et sociale dans le monde

Archives de Catégorie: Risque et Crise

Mensonges et propagande


 

Sylvie SIMON, Vaccins, mensonges et propagande, Thierry Souccar Editions, 2009 [Texte en ligne].
En deux siècles d’histoire, la vaccination a connu succès et scandales. Aujourd’hui il est bien difficile de savoir si les données scientifiques sont suffisantes pour créer sans cesse et sans risque de nouveaux vaccins.
Contrairement aux médicaments, les vaccins sont destinés aux bien-portants pour prévenir une hypothétique maladie. Il semble donc important que chacun connaisse les risques de ces maladies ainsi que ceux induits par les vaccins.
Saviez-vous que la population vaccinée contre la grippe est passée aux États-Unis de 15 % en 1980 à 65 % aujourd’hui, sans qu’aucune diminution des décès liés à cette maladie n’ait été observée ? Pourquoi les autorités de santé taisent-elles le fait que le nombre de décès par rougeole n’a pas diminué depuis 1988 en dépit d’une couverture vaccinale beaucoup plus étendue ? Peut-être parce que les vaccins, loin d’être les parents pauvres des médicaments, sont à l’origine de plus de 20 % du chiffre d’affaires de certains laboratoires pharmaceutiques…
Écrit par une spécialiste de la désinformation en matière de santé, ce livre contient les données les plus parlantes sur les vaccins des informations dont bon nombre de médecins n’ont même pas connaissance.
Par recoupements de chiffres, de dates, Sylvie Simon démontre magistralement comment l’industrie pharmaceutique, les médias et les gouvernements nous manipulent dès lors qu’il est question de vaccin. Pour qu’on ne puisse plus dire « si j’avais su… ».

Hacène AREZKI, Climat, mensonges et propagande, Thierry Souccar Editions, 2010 [Texte en ligne].
D’un côté des climatologues alarmistes qui affirment que la Terre se réchauffe par la faute des activités humaines. De l’autre, les climatosceptiques pour qui ce réchauffement a des causes naturelles. Qui croire ?
Parce qu’elle dissimule des enjeux idéologiques et économiques colossaux, une banale controverse scientifique a pris une ampleur considérable, tuant ainsi le débat scientifique.
Loin de tout lobby et de toute passion, le géographe Hacène Arezki propose une remise à plat radicale, en répondant aux questions essentielles :
• Comment mesure-t-on la température de la Terre ?
• Quelle est l’ampleur réelle du réchauffement climatique ?
• Ce réchauffement est-il sans précédent ?
• Faut-il s’en alarmer ?
• Hormis les activités humaines, quelles autres hypothèses sérieuses peuvent l’expliquer ?
Au-delà des aspects historiques et scientifiques, ce livre lève le voile sur les véritables enjeux politiques, économiques et médiatiques du débat sur le réchauffement climatique. L’enquête sur l’épopée d’Al Gore et sur le Climategate, entre autres, est éloquente.
Ce livre possède une qualité rare : rendre le débat sur le climat accessible à tous sans sacrifier un instant la rigueur scientifique.

Lire aussi :
Revue de presse Grippe A/H1N1 2009, Monde en Question.
Revue de presse Grippe A/H1N1 2010, Monde en Question.
Dossier documentaire Risque & Gestion du risque, Monde en Question.
Dossier documentaire Crise & Gestion de crise, Monde en Question.
Dossier documentaire Propagande, Monde en Question.

Démagogie du catastrophisme


Le Japon est un archipel volcanique situé au carrefour de quatre plaques tectoniques (nord-américaine, pacifique, philippine et eurasienne) dont les trois îles principales sont traversées longitudinalement par une ligne de faille tectonique.
Depuis longtemps le Japon a appris à vivre avec le risque sismique car des milliers de secousses telluriques d’intensité variable (de 4 à 9 sur l’échelle de Richter) sont ressenties chaque année et sont accompagnées de raz-de-marée (tsunami) d’intensité également variable.

Le denier séisme survenu au Japon a provoqué un tsunami médiatique qui a occulté celui survenu en Chine. Presque tous les commentaires des médias dramatisent l’événement comme dans l’affaire de la grippe AH1N1. Rares sont les commentaires factuels qui ne versent pas dans l’hystérie et mettent l’événement en perspective. Signalons celui de Tristan Vey Un séisme historique dans une zone sismique complexe, 11/03/2011), du géographe Philippe Pelletier (Le Tôhoku : une région rurale exposée au risque sismique, 13/03/2011) et de la presse chinoise (Que penser de l’accident nucléaire au Japon ?, 14/03/2011).

Ce séisme a provoqué des fuites dans la centrale nucléaire de Fukushima sur la côte nord-est du Japon. Cet accident s’apparente plus à celui de Three Mile Island en 1979 qu’à celui de Tchernobyl en 1986. À ce jour, il est difficile d’apprécier l’ampleur des dégâts tant l’information est biaisée par l’émotion – cette dictature douce.

Le gouvernement japonais minimise naturellement la crise comme l’ont fait et le feront tous les gouvernements du monde. Rappelons que, selon le gouvernement français, le nuage de Tchernobyl s’arrêta miraculeusement à nos frontières [3]. Dans le cas de la grippe AH1N1, il avait au contraire dramatisé à l’excès afin de justifier l’achat du vaccin sous la pression des experts de l’industrie pharmaceutique. Andreï Fediachine dit à juste titre que « l’avenir de Fukushima relève de la divination » :

Tous les pronostics concernant l’avenir de l’économie mondiale et de l’énergie nucléaire relèvent aujourd’hui de la divination. De la cartomancie avec un jeu de cartes incomplet. Il n’existe pour l’instant aucune certitude. Pas plus que de modèle ou de machine de pronostication, où il serait possible d’introduire la catastrophe japonaise et d’en sortir un produit fini.
RIA Novosti

Les médias dominants, les professionnels du catastrophisme et les charognards de l’humanitaire profitent de l’événement pour faire des affaires, en vendant la peur ou en appelant à des dons en passant sous silence que l’argent récolté en 2004 avait servi à déclencher « une opération militaire d’aide humanitaire sans précédent ».
L’im-Monde évoque « un stress collectif mondial » qu’il créé et entretient lui-même. Le Commissaire à l’énergie de la Commission européenne a estimé que le mot « apocalypse » était approprié pour décrire la situation. La référence biblique, reprise par certains blogs [1], traduit une vision non scientifique des faits.

Faut-il rappeler qu’il est impossible de prévoir à quelle date et à quelle heure exactement va se produire un séisme. Et comme l’on ne peut pas empêcher le séisme de se déclencher, la seule chose que la société peut faire est de se prémunir. Or les Japonais sont les mieux préparés du monde, du point de vue des méthodes de construction et de l’éducation.

En fait, tout le monde se moque du Japon et des Japonais. Cet événement est le prétexte à faire de la politique franco-française. Ceux qui font semblant de s’émouvoir du risque des centrales nucléaires au sein de l’hexagone oublient de dire qu’ils ont voté pour le nucléaire au Parlement européen le 25 novembre 2009 à la Conférence de Copenhague sur le changement climatique [2].

Les écologistes, Daniel Cohn-Bendit en tête, réclament un référendum sur le nucléaire en France après l’accident à la centrale japonaise de Fukushima, espérant en faire un thème de la campagne de 2012 face à l’UMP et au PS, traditionnellement pro-atome.
AFP

Les mêmes ont voté ce texte :
« [Le Parlement européen] souligne que le passage, à l’échelle internationale, à une économie à faible intensité de carbone conférera à l’énergie nucléaire un rôle important dans le bouquet énergétique à moyen terme ; souligne toutefois que les questions relatives à la sûreté et à la sécurité du cycle du combustible nucléaire doivent être abordées de façon adéquate à l’échelle internationale afin de garantir un niveau de sûreté aussi élevé que possible »
Monde en Question

18/03/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Séisme, risque naturel pris en considération…, Eurocode 8, 23/02/2011.

• Le risque sismique, Les risques majeurs.
• Zonage sismique de la France, Base GasparLe Plan Séisme.
• Jean-Michel CAROZZA, Franck VIDAL, Le risque sismique en France, Canal-U, 18/12/2006.

Dossier documentaire & Bibliographie Crise & Gestion de crise, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.


[1] C’est le discours récurrent de ce site adepte d’une vision eschatologique et donc biblique de l’histoire :
• La transversale Tohoku-Kadhafi, Dedefensa.
• Du catastrophisme à l’intuition haute, Dedefensa.
• La gravité de la crise nucléaire : le monde versus le Japon, Dedefensa.
[2] Lire aussi : Cohn-Bendit danse sur la peur du nucléaire, Marianne.
[3] Nuage de Tchernobyl en France : vers un non-lieu ?, NouvelObs.
Le parquet général va requérir un non-lieu dans l’enquête sur le passage du nuage radioactif et les communiqués rassurants diffusés à l’époque.

Les charognards de l’humanitaire


Profitant du tremblement de terre et du tsunami au Japon, les charognards de l’humanitaire envahissent nos boîtes à lettres avec ce type de publicité :

15/03/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Serge LEFORT, Tsunami médiatique, Chine en Question.
• Serge LEFORT, Que penser de l’accident nucléaire au Japon ?, Chine en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Aide humanitaire – Colonialisme humanitaire, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Crise & Gestion de crise, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Propagande, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.

Politique de la peur


La menace terroriste : info ou intox ? Cette question vient immanquablement à l’esprit à la seule vue du ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, nous faire une déclaration dramatique sous la tour Eiffel, exactement là où une fausse alerte à la bombe avait eue lieue quelques heures plutôt.
L’édito politique France Inter

Nous savons tous, intuitivement, que la peur joue un rôle dans la vie politique d’un pays. Et pas seulement lors d’événements exceptionnels comme les attentats du 11 septembre à New York. Mais, parce qu’il est humiliant d’avoir peur et de se l’avouer, nous en minimisons irrésistiblement l’influence, préférant nous réfugier derrière des explications plus « rationnelles » du comportement des gouvernants comme des citoyens.
Le maître-livre de Corey Robin déchire ce voile d’ignorance. Dans une analyse à la fois brillante et provocante, très largement saluée lors de sa récente publication aux États-Unis, il montre en quoi la peur constitue un levier fondamental de pouvoir, même dans une démocratie libérale comme la nôtre. L’auteur conjugue ici une analyse historique de l’idée de peur (de Hobbes à Hanna Arendt en passant par Montesquieu et Tocqueville) avec une description concrète, menée sans complaisances, de la vie politique américaine actuelle. Il s’en dégage une démonstration particulièrement efficace qui déborde le cadre strictement américain pour s’appliquer à tout fonctionnement démocratique. Si cette thèse originale trouble certainement notre confort intellectuel, elle peut aussi nous dessiller politiquement les yeux pour des lendemains mieux libérés de la peur.

ROBIN Corey, La peur – Histoire d’une idée politique, Armand Colin, 2006 et Pluriel Hachette, 2008 [A contrarioAgoraVoxNouvelles d’OrientSciences Economiques et SocialesExtraits].

Lire aussi :
• ROBIN Corey, De la peur en temps de guerre, Vacarme n°18, 2002.
• ROBIN Corey, « L’administration Bush gouverne par la peur », Le Monde, 11/08/2004.

• Peurs citadines, Histoire urbaine n°2, 2000.
• Les médias et la peur, Université de Neuchâtel, 2003.
• Peurs et menaces, Terrain n°43, 2004.
• Politiques de la peur, Lignes n°15, 2004.
Dossier documentaire & Bibliographie Propagande, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.

Sélection bibliographique :
• ARPAGIAN Nicolas, L’Etat, la peur et le citoyen – Du sentiment d’insécurité à la marchandisation des risques, Vuibert, 2010,
Si les leaders de la Gauche et la Droite françaises sont désormais presque unanimes pour affirmer que la sécurité est la première des libertés, ce sont maintenant les conditions dans lesquelles s’exerce cette sécurité qui font débat. Notamment du fait que d’ici 2014, les effectifs de la sécurité privée dans notre pays dépasseront ceux cumulés de la police et de la gendarmerie nationales. Quel rôle restera-t-il à l’Etat en la matière ? Quelles seront les conséquences pour le citoyen devenu client, consommateur de sécurité ? Quelles incidences cela aura-t-il sur notre modèle de société ? Au-delà des stricts enjeux de sûreté, c’est bien une analyse prospective sur l’avenir de notre collectivité nationale que propose cet ouvrage. Avec à la clé une indispensable réflexion sur ce qui constituera demain le cœur de notre pacte républicain.

• BONELLI Laurent, La France a peur – Une histoire sociale de «l’insécurité», La Découverte, 2010.
Zones de non-droit», «délinquants toujours plus jeunes et plus récidivistes», «flambée de la violence urbaine» : l’«insécurité» semble devenue l’un des principaux problèmes sociaux du début du XXIe siècle en France. Les responsables politiques, de droite comme de gauche, invoquent la «demande de sécurité» de leurs électeurs pour réclamer une action plus énergique de la police et de la justice et les gouvernements successifs ont rivalisé dans l’adoption de lois et de mesures nouvelles en la matière.
D’où vient une telle inflation du thème de la sécurité depuis le début des années 1980 ? Dans quelle mesure a-t-elle modifié la perception des milieux populaires et de leurs problèmes sociaux ? Cet ouvrage montre que l’émergence de l’«insécurité» est inséparablement liée aux formes de précarités qui se développent depuis la fin des Trente Glorieuses et au recul constant de l’État social. C’est à partir de l’ensemble de ses dimensions qu’il aborde cette question, des transformations des quartiers populaires à celles du jeu politique, du traitement médiatique de la «délinquance» aux savoirs et expertises en tout genre mobilisés pour l’interpréter, des politiques locales de sécurité jusqu’aux mutations profondes intervenues dans l’organisation et les missions de la police, de la justice et de l’école.
Avec la reformulation progressive de la question sociale en impératif d’«ordre dans la rue», c’est tout un pan des relations entre les citoyens et les institutions républicaines qui a changé de visage. Un livre somme qui permet de prendre la mesure d’un changement d’époque.

• CORNACHON Jean-Yves, Dictature de la peur, Éditions Bénévent, 2007.
Cet ouvrage expose, traite, analyse les peurs multiples de l’homme dans notre société. La peur monopolise notre existence dans tous les domaines, politique, économique, psychologique, sociologique. C’est une véritable maladie contemporaine. La peur évoque toute l’histoire de l’humanité.

• CRÉPON Marc, La culture de la peur, Galilée, 2008.
Les usages politiques de la peur, son invocation et son instrumentalisation qui furent le privilège des régimes de terreur, ne peuvent plus servir aujourd’hui de critère discriminant entre les démocraties et les régimes, dont, par principe, elles devraient être distinctes. Dans tous les domaines de l’existence, les citoyens sont affectés par la «culture» dont elle fait l’objet – une culture qui les conduit à tolérer des discours et des pratiques qu’ils n’auraient pas cru pouvoir ni devoir accepter auparavant. Ainsi se sédimente dans nos vies «l’inacceptable», au nom d’une exigence démultipliée de protection et de sécurité.
La question alors est de savoir quelle est, dans cette exigence, la part du besoin de «sécurité humaine», dont aucun discours politique ne devrait faire l’économie, et celle de «la sécurité de l’État». S’il est vrai que leur frontière indécise se joue, à chaque fois, dans le choix et le calcul des «cibles de l’insécurité», au double sens d’un génitif subjectif et objectif, l’avenir de la démocratie appelle une critique ininterrompue de ces choix et de ces calculs – à plus forte raison quand ils se portent sur la figure de l’étranger.

• DAKHLI Leila, MARIS Bernard, LOSSON Christiane, Gouverner par la peur, Fayard, 2007.
De toutes parts montent les discours de la peur, des peurs. Peur de l’insécurité, de la précarité, du chômage. De la violence, de la marginalisation, d’être délocalisé. Peur de l’ouvrier chinois, du plombier polonais, de son collègue de travail, du terroriste. Peur aussi de ce que l’on mange, de ce que l’on boit, de son corps. Peur du changement climatique. Peur intime et peur publique. Peur de tout. Cette montée de la parole collective sur l’angoisse pourrait être positive : connaître et énoncer ses peurs, c’est déjà les combattre. Il suffirait de changer de regard, de déchausser les lunettes de la morosité ambiante pour prendre une mesure apaisée des évolutions positives comme des risques encourus par nos sociétés contemporaines. Or c’est tout le contraire qui se passe : loin de se réduire, nos peurs grandissent chaque jour un peu plus. Pourquoi a-t-on tant de mal à les affronter, dans un contexte qui est loin de s’être autant détérioré qu’on voudrait nous le faire croire ? L’exploitation de l’angoisse rapporte, et parfois beaucoup, au sens propre. Mais qui a intérêt à gouverner par la peur ? Quelles formes de résistance et quelles alternatives peut-on y opposer ?

• DELUMEAU Jean, La peur en Occident – XIVe-XVIIIe siècles, Pluriel Hachette, 1999.
Non seulement les individus pris isolément, mais les collectivités et les civilisations elles-mêmes sont engagées dans un dialogue permanent avec la peur. Celle-ci prend toutefois des visages différents, depuis les terreurs médiévales jusqu’à l’obsession contemporaine de la sécurité. Jean Delumeau montre à la fois les continuités et les ruptures, ainsi que la diversité des formes prises par la peur en Occident. Des peurs collectives, comme celles engendrées par la peste, aux séditions populaires, des visages de Satan aux procès en sorcellerie, ce livre a profondément renouvelé l’histoire des mentalités et des comportements. Cet ouvrage inaugure ainsi la grande enquête consacrée par Jean Delumeau à l’histoire des représentations collectives, des inquiétudes et des espoirs de l’humanité occidentale, qui s’est poursuivie par l’exploration du péché et de la culpabilité, puis par celle de la rédemption et du paradis.

• LECOURT Dominique, L’âge de la peur – Éthique, science et société, Bayard, 2009.
OGM, nanotechnologies, épidémies, réchauffement climatique, clonage, trous noirs… les découvertes scientifiques sont de plus en plus sources d’inquiétudes. Pour contrer ce sentiment de peur, aussi diffus que paralysant, Dominique Lecourt nous délivre dans ces chroniques un savoir précis, utile et accessible. Et nous met en garde contre deux écueils : la détestation de la technique, qui permet tous les jours de nombreux progrès d’une part, la professionnalisation de l’éthique, qui voudrait en faire une somme de textes administratifs d’autre part, alors qu’elle est une interrogation philosophique sur la vie humaine, qui nous concerne tous.

• LEJEUNE Dominique, La peur du rouge – Des partageux aux gauchistes, Belin, 2003.
La peur sociale provoque les « effrois », les émeutes et les « folles commotions » des populations révoltées dès le Moyen Age. Elle est la peur de ceux qui sapent les colonnes de la société, comme les partageux du premier XIXe siècle, avides de redistribution des richesses et de substitution du socialisme au capitalisme. Aux environs de 1840, en effet, la Révolution industrielle prend son essor, un prolétariat en naît et, avec lui, se nouent les tensions sociales, liées à toute croissance économique brutale. La politique aime les couleurs, mais le bourgeois vomit le « rouge », fier de son travail. Après la phobie des attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle, l’homme du XXe siècle a eu bien davantage de craintes politiques et sociales, d’abord multipliées par les affiches du « moujik hirsute » de 1919, qui concrétise la hantise des « rouges », version bolcheviks cette fois-ci. Il a connu – pas forcément éprouvé – la hantise de la Guerre froide, du « camp communiste », de l’Armée rouge, des « gauchistes » et des « étés chauds » Qui a réellement « profité » de cette peur ? Les « rouges » ont-ils été manipulés ? Et la « cible » n’a-t-elle pas totalement changé avec la drogue, les banlieues « à risque », le terrorisme ?

• LITS Marc (sous la direction de), La peur, la mort et les médias, Éditions Vie Ouvrière, 1993.
Quel est le rôle social de ces récits de mort et de violence, qui remplissent nos écrans et nos journaux, telle est la question que posent les différents articles de cet ouvrage, qui vont du questionnement théorique sur « la peur, les médias, le lecteur » ou sur les stratégies narratives de la peur au cinéma, à l’étude minutieuse d’une enquête du quotidien bruxellois La Dernière Heure, fondée sur la thématique de l’insécurité.

• MARZANO Michela, Visages de la peur, PUF, 2009.
Comment la peur surgit-elle face à l’inconnu ? Comment exprime-t-elle la crainte des autres – peur de l’étranger, de l’ennemi, du monstre, du différent – ainsi que la volonté d’écarter de soi l’irréductible altérité qui habite tous les êtres humains ? L’auteur montre ici que la peur est souvent instrumentalisée par les pouvoirs politiques, jusqu’à devenir un moyen de contrôle et de gouvernement. Ainsi est-elle utilisée pour bâtir des politiques sécuritaires qui « institutionnalisent » la méfiance de chacun à l’égard de tous. Mais, même si elle renvoie à la fragilité et à la contingence de la condition humaine, la peur n’est pas invincible : elle ne réduit pas nécessairement notre marge de manoeuvre. Une fois admise l’idée que tout ne peut pas être « contrôlé » et que l’ « inattendu » est une composante de la vie, nous pouvons tenter de construire des relations de confiance qui, tout en ne nous mettant pas à l’abri de l’inconnu ou de l’imprévu, nous permettent aussi d’aller vers les autres, de même que de renouer avec notre propre altérité.

• MAURIN Eric, La peur du déclassement, Seuil, 2009.
Déclassement le mot est aujourd’hui sur toutes les lèvres et sous toutes les plumes Mais, au-delà de son caractère incontournable, il recouvre deux réalités bien distinctes. La plus évidente a trait aux ruptures qui conduisent des individus à voir leur position se dégrader La deuxième est encore plus décisive : c’est la peur du déclassement. Cette angoisse sourde, qui taraude un nombre croissant de Français, repose sur la conviction que personne n’est  » à l’abri « , que tout un chacun risque à tout moment de perdre son emploi, son salaire, ses prérogatives, en un mot son statut. En rendant la menace plus tangible, les crises portent cette anxiété à son paroxysme. Source de concurrence généralisée et de frustrations, la peur du déclassement est en train de devenir l’énergie négative de notre société. A partir de ce constat, Eric Maurin fonde une sociologie des récessions et propose une lecture radicalement neuve de la société française, tout en aidant à repenser les conditions de sa réforme.

• REY Henri, La peur des banlieues, Presses de Sciences Po, 1999.
La grande peur des banlieues revient périodiquement occuper le devant de la scène médiatique. Peur des violences urbaines, de l’intégrisme religieux, des nouvelles « classes dangereuses », peur surtout devant l’inconnu.
Parallèlement, les habitants des banlieues sont censés vivre dans l’inconfort de la peur quotidienne ; leur sentiment d’insécurité devrait logiquement les conduire à soutenir par leur vote protestataire l’extrême droite lepéniste.

• TODOROV Tzvetan, La peur des barbares, Livre de Poche, 2009.
Dans une réflexion qui nous fait traverser des siècles d’histoire européenne, Tzvetan Todorov éclaire les notions de barbarie et de civilisation, de culture et d’identité collective, pour interpréter les conflits qui opposent aujourd’hui les pays occidentaux et le reste du monde. Une magistrale leçon d’histoire et de politique, et une véritable  » boîte à outils  » pour décrypter les enjeux de notre temps.

• VIEGNES Michel, La peur et ses miroirs, Imago, 2009.
La peur a mauvaise réputation. Faiblesse honteuse, elle est ressentie comme infantile et ridicule, et serait, lorsqu’elle est collective, à l’origine de toutes les exclusions sociales – racisme, xénophobie, obsession sécuritaire… Pourtant, elle constitue une part essentielle de l’expérience humaine. Lovecraft voyait même en elle «l’émotion la plus forte et la plus ancienne de l’humanité».
Dans le présent ouvrage, historiens, psychologues, et spécialistes de littérature, de cinéma et de musique, analysent, sous de multiples aspects, cette expérience – ses manifestations et ses représentations. Aspect psychologique : peurs normales et pathologiques, phobies… Aspect linguistique : de la peur à l’angoisse, ou à la terreur. Aspect historique : crainte de Dieu, peur de l’an mil, recours aux saints protecteurs. Aspect religieux : vision de l’hindouisme ou du bouddhisme. Aspect social : peur de l’autre, peur de la surpopulation, de la technique, de la catastrophe atomique ou écologique.

• VIRILIO Paul, L’administration de la peur, Textuel, 2010.
Chaos climatique, paniques boursières, crise économique, périls techno-scientifiques. menaces pandémiques, suicides  » professionnels « … L’énumération des peurs contemporaines est sans fin. Effet de loupe médiatique? Construction paranoïaque? Fantasme? Pour Paul Virilio, il y a bien de quoi avoir peur. Car le monde est plein comme un oeuf, qu’on y accélère toujours plus les flux en y contractant l’espace et que la peur devient l’objet d’une véritable gestion politique, les Etats étant tentés de substituer un globalitarisme sécuritaire à la traditionnelle protection des individus contre les risques de la vie.

Un complot Internet


Le 6 juillet, l’Assemblée Nationale a publié le Rapport de la Commision d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1).

Le 14 juillet, L’im-Monde résume tous les disfonctionnements à un complot Internet !

LA FAUTE À INTERNET

Le manque de confiance des Français vis-à-vis de la campagne des pouvoirs publics serait le fait d’un « brouillard médiatique », de « l’affluence des messages contradictoires ». Le rapport cite plusieurs spécialistes qui, dans les médias, ont livré leur appréciation de la dangerosité de la grippe A. « L’équivalent d’une grosse grippe saisonnière », « une grippe majoritairement bénigne » ou encore « une grippette »… Ces membres réputés du corps médical ont rapidement fait part de leurs doutes sur la nécessité d’une campagne de vaccination. Une liberté d’expression que souhaite modérer la Commission parlementaire. Il faudrait « instaurer, an cas d’alerte pandémique, une conférence nationale constituée des représentants des collèges scientifiques qui permettrait une communication consensuelle sur la nature du risque et les moyens médicaux disponibles pour y faire face », estime le rapporteur.

Enfin, Internet est pointé comme responsable de l’échec de la campagne orchestrée par le ministère de la santé. « Les folles rumeurs sur Internet, les attaques violentes du lobby anti-vaccin ou encore les annonces spectaculaires de pseudo-experts en quête de gloire médiatique auront sans doute laissé des traces », estime la commission en conclusion de son rapport pour qui « le sensationnalisme a prévalu sur les faits documentés ; la parole officielle a été décrédibilisée par des acteurs sur les motivations desquels on s’interroge encore. » Toutefois, les auteurs du rapport reconnaissent que certaines des réserves diffusées sur la Toile « auraient sans doute mérité d’être traitées avec plus d’attention par les pouvoirs publics pour y répondre par une argumentation appropriée ». La défiance à l’égard de la vaccination, née de la pandémie H1N1, « constitue un défi pour l’avenir » conclut le rapport.

Le Monde

14/07/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Revue de presse Grippe A/H1N1 2009, Monde en Question.
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Ils ont organisé la psychose


La grippe saisonnière tue ! est l’article le plus lu de ce blog (35 171 lectures à ce jour !) et, curieusement, il est toujours régulièrement consulté.

Il était facile de se rendre compte, en comparant les données épidémiologiques de la grippe A/H1N1 à celles de la grippe saisonnière, que les gouvernements, l’OMS et les médias manipulaient l’opinion sur les risques d’une pandémie de grippe A/H1N1.

Selon la dépêche de l’agence AP du 5 juin, c’est ce que dit aujourd’hui la commission Santé de l’APCE :

La gravité de la pandémie de grippe A/H1N1 a été « largement surestimée » par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), dénonce l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), qui épingle dans un rapport un « gaspillage de fonds publics » et des « peurs injustifiées ».

Ce rapport, approuvé vendredi par la commission Santé de l’APCE, déplore « un grave manque de transparence ». Dans un communiqué, l’APCE se demande « quelle influence l’industrie pharmaceutique a pu exercer sur les décisions prises ».

Lors de la présentation du rapport vendredi à Paris, la rédactrice en chef « British Medical Journal » Fiona Godlee a expliqué qu’une étude de sa revue avait montré que « les scientifiques qui ont élaboré des lignes directrices clés de l’OMS sur le stockage des vaccins contre la grippe avaient été payés par des groupes pharmaceutiques susceptibles d’en tirer profit », selon le communiqué de l’APCE.

« Cette pandémie n’a jamais vraiment existé », a lancé l’auteur du rapport, le parlementaire britannique Paul Flynn, cité dans ce même communiqué. Il a qualifié le programme de vaccination de « traitement placebo à grande échelle ».

Pour « une plus grande transparence » et « une meilleure gouvernance en matière de santé publique », la commission Santé de l’APCE préconise d’instituer des garanties contre « l’influence d’intérêts particuliers » et d’envisager un fonds public pour soutenir des études, des essais et des avis d’experts indépendants, qui pourraient être financés par le biais d’une contribution obligatoire de l’industrie pharmaceutique.

Le rapport de M. Flynn doit être examiné par les parlementaires des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe le jeudi 24 juin à Strasbourg.

Il n’y a pas eu complot, comme le croient naïvement certains, mais convergence d’intérêts économiques et politiques. La peur reste le meilleur argument de vente… des médias et des gouvernements.

05/06/2010
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
Rapport intégral (version provisoire).
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2009, Monde en Question.
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2010, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.

La religion du chiffre


Les médias dominants usent et abusent des chiffres sans jamais émettre le moindre doute sur leur véracité, sans jamais expliquer comment ils ont été construit, sans jamais les mettre en perspective… Et, comme les chiffres ne parlent pas, ils les font parler.

Froid inhabituel au Mexique : 9 morts, Le Grand Journal du Mexique source AFP.

Une vague inhabituelle de froid s’est abattue sur la majeure partie du Mexique, entraînant la mort de neuf personnes depuis le début de l’année, en grande partie dans le nord du pays davantage habitué à lutter contre la canicule, a annoncé le ministre de la Santé, José Angel Cordova.

Selon lui, la moitié des victimes sont mortes d’hypothermie et les autres ont succombé à des intoxications au monoxyde de carbone, en raison de chauffages défectueux à leur domicile.

Commentaires : Le ministre de la Santé du Mexique feint de croire que les rigueurs inhabituelles du climat seraient la cause de ces morts alors que l’hypothermie et les intoxications au monoxyde de carbone sont manifestement liés à la pauvreté qui s’accroît dans la pays [1].

La Chine devient premier marché automobile mondial, devant les États-Unis, Le Monde source Chine nouvelle selon AFP et Reuters.

Quelque 13,64 millions de véhicules ont été vendus en 2009 en Chine. « La Chine a remplacé les États-Unis pour devenir pour la première fois le plus grand marché automobile du monde », peut claironner, lundi, l’agence Chine nouvelle, citant l’Association chinoise des constructeurs automobiles (CAAM).

Commentaires : Les médias dominants utilisent quotidiennement le copier-coller sans apporter de valeur ajoutée. Que signifie le chiffre repris par Le Monde ? On n’en sait rien. Les pourcentages, qui suivent, n’apportent aucune information car ils font référence à des comparaisons dans le temps court et donc non significatives [2]. L’accumulation de chiffres remplace l’explication comme si le fait de les citer faisait sens alors qu’ils ont une valeur incantatoire.

La Chine s’octroie le premier rôle dans le commerce mondial, Le Grand Journal du Mexique source La Tribune.

Elle s’octroie ainsi 10% des exportations mondiales en 2009 contre 3% dix ans auparavant.

Commentaires : Dans cet exemple les pourcentages font sens car ils établissent une comparaison sur une période longue (dix ans) d’un même phénomène (part de marché de la Chine dans le commerce mondial).
Les explications et les spéculations, qui suivent, sont en revanche bien hasardeuse car l’augmentation du pourcentage de la part de marché de la Chine est liée à des causes multiples et les projections sur l’avenir impliquent que ces causes restent identiques [3].
On remarque aussi le langage raciste du journaliste de la La Tribune : «la Chine a envahi les étagères des commerces de la planète». Quand il s’agit d’un pays occidental, les médias dominants utilisent les expressions «gagner des marchés» voire «conquérir des marchés».

Le nombre de morts provoqué par la grippe pandémique A (H1N1) a fait l’objet de titres aussi spectaculaires que mensongers : Plus de 10 000 morts de la grippe A (H1N1) dans le monde, Le Monde du 18/12/2009 [4]. Ce chiffre magique est faux car l’article précise « 10 582 décès ». Ce chiffre magique perd de son effet quand on lit plus loin que, selon l’OMS, « les niveaux de maladies grippales ont baissé de manière significative pour se rapprocher des niveaux saisonniers habituels ». Ce chiffre magique révèle une technique de propagande quand on le corrèle aux 250 000 à 500 000 décès par an provoqués par la grippe saisonnière.

L’Institut national de veille sanitaire (InVS) annonce, dans son dernier bulletin, 246 morts de la grippe A(H1N1) en France. Les médias dominants invoquent ce chiffre avec des trémolos dans la voix en le dramatisant alors qu’il représente 0,05% des morts comptabilisés en 2008 par l’INSEE (toutes causes confondues).

Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a reconnu en conférence de presse avoir surestimé l’impact du virus H1N1. Mme Chan, qui n’est pas vacciné, a avoué «Nous avions prévu qu’il y aurait des problèmes pour produire des vaccins suffisamment rapidement (…), mais nous n’avions pas prévu que les gens décideraient de ne pas se faire vacciner» en constatant avec amertume que «l’époque où les responsables de la santé pouvaient donner leurs recommandations (…) et attendre que les populations s’y plient est sans doute révolue» [Information Hospitalière]. Elle ne désespère pourtant pas de «convaincre les gens d’adopter des comportements sains» [ONU], voire de les y contraindre… avec la complicité des médias qui nous bombarderons de chiffres.

Serge LEFORT
Citoyen du Monde exilé au Mexique

Lire aussi :
Dossier documentaire & Bibliographie Propagande, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Statistiques & Sondages, Monde en Question.


[1] Lire :
• Empeora la pobreza en México, Monde en Question.
• Mexique : 44% de la population vit dans la pauvreté, Xinhua – Agence de presse Chine.
• Lutte contre la pauvreté et les inégalités au Mexique, Politiques Sociales.
[2] Sur le seul mois de décembre, ces ventes ont augmenté de 88,7 % par rapport à l’an dernier, à 1,1 million de véhicules. En novembre, la croissance des ventes automobiles avait été en rythme annuel de 98,2 %, mais de 49,7 % sur les onze premiers mois de l’année, selon la CAAM.
La Chine devient premier marché automobile mondial, devant les États-Unis, Le Monde source Chine nouvelle selon AFP et Reuters.
[3] Au cours de ces dernières années, les ports chinois, notamment Shanghai, ont vu les porte-conteneurs se presser toujours plus nombreux dans leur rade. Avec des marchandises au meilleur prix, produites à de bas coûts de travail , et soutenu par un yuan faible, la Chine a envahi les étagères des commerces de la planète.
Si elle conserve un tel rythme, cette part des exportions mondiales pourrait atteindre quelque 25 % d’ici à dix ans. D’ores et déjà, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit 12 % pour 2014. Ses experts ont d’ailleurs calculé que si l’économie conservait un rythme de croissance annuel de son PIB de 8 % avec une structure dépendante autant des exportations, celles-ci pourraient bondir de 17% d’ici à 2020.
La Chine s’octroie le premier rôle dans le commerce mondial, Le Grand Journal du Mexique source La Tribune.
[4] Le dernier bulletin de l’OMS annonce 13 554 morts dans le monde.

Des médias aux ordres


À l’heure où tout le monde est contraint de reconnaître que le virus de la grippe A(H1N1) n’a pas provoqué les 30 000 morts en France prévus par certains épidémiologistes et encore moins les millions de morts dans le monde pronostiqués par l’expert consacré par Le Monde pour désinformer ses lecteurs [1], les médias dominants se défaussent comme d’habitude sur les politiques.

Depuis le début de l’épidémie, en avril 2009, les médias dominants mentent sciemment en publiant des chiffes alarmistes sans jamais ni émettre le moindre doute sur leur construction ni les mettre en perspective avec ceux de la grippe saisonnière. Ils ont choisi délibérément de crédibiliser la version des organisations sanitaires et des gouvernements.

Aujourd’hui, il est cocasse de lire les arguments dont les journalistes usent pour dégager leur responsabilité. Grippe H1N1: les journalistes se défaussent, les autorités trinquent, AFP-Google Actualités du 06/01/2010 (texte complet en annexe) :

« Je ne vois pas de quel droit j’aurais caché le taux de mortalité au Mexique ou le fait qu’aux États-Unis des femmes enceintes mouraient », souligne Hélène Cardin, journaliste sur France Inter, dans une interview à l’AFP.

Commentaires : Les médias dominants ont abondamment cité les chiffres du gouvernement mexicain alors qu’ils savaient qu’ils étaient faux. Dire « qu’aux États-Unis des femmes enceintes mouraient » relève de la démagogie car, avec ou sans grippe, des femmes enceintes meurent aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

« Nos autorités sanitaires et politiques ont décrété une sorte d’état d’urgence médiatique autour de cette question. Dès lors, on est obligés de s’y conformer », renchérit le directeur de la rédaction d’Europe 1, Laurent Guimier.

Commentaires : Ce journaliste avoue que les médias dominants sont aux ordres des autorités sanitaires et politiques. Dont acte.

Comme son confrère Michel Cymes, Alain Ducardonnet médecin consultant pour les JT de TF1, s’est déclaré « intégralement favorable à la vaccination ».

Commentaires : Les médias dominants donnent la parole aux experts qu’ils élisent pour leurs qualités d’agent de propagande.

Les médias dominants ne donnent pas la parole aux voix discordantes qui participeraient à la soi-disante théorie du complot. Cette rhétorique de la novlangue signifie en clair que toute critique est par avance discréditée.

La palme des médias aux ordres revient au quotidien qui pratique la langue des jésuites [2]. Le doute A(H1N1), Le Monde du 13/01/2010 (texte complet en annexe) :

Évitons d’abord les faux procès : nul ne peut sérieusement reprocher au gouvernement d’avoir vu trop grand pour éradiquer la pandémie annoncée due au virus de la grippe A(H1N1). Quand il a commandé, en juillet 2009, 94 millions de doses de vaccin, l’Organisation mondiale de la santé venait de décréter une alerte mondiale et des épidémiologistes prévoyaient 30 000 morts en France, cinq fois plus que pour la grippe saisonnière. Les Cassandre se sont trompées, mais le gouvernement – qui avait tiré les leçons de l’imprévoyance des pouvoirs publics lors de la canicule de 2003 – a eu raison d’appliquer le principe de précaution. Même à l’extrême.

Commentaires : En résumé, Le Monde juge que le gouvernement n’est pas coupable parce qu’il a cru naïvement les prédictions de certains épidémiologistes. Rappelons que d’autres, moins médiatisés, disaient le contraire [3]. Pire, Le Monde prétend que le « principe de précaution » devrait s’appliquer «même à l’extrême».

Il est toujours plaisant de relire des commentaires journalistiques, démentis par les faits. Revue de presse Grippe et épidémie, NouvelObs du 30/11/2009 :

(…) Aussi ne doit-on pas s’étonner que plus l’épidémie se propage, plus les centres de vaccination se remplissent. Chacun est désormais concerné dans son propre environnement et on peut noter que ceux qui dénonçaient la gesticulation médiatique, voire l’instrumentalisation du phénomène, se sont tus ! Les Français exigent maintenant une meilleure mobilisation des pouvoirs publics et craignent d’être sevrés d’un vaccin qui, il y a peu, ne les convainquait pas. Il faut à cet égard s’élever contre la désinformation qui contamine la Toile, et dire que les bénéfices du vaccin l’emportent sur les inconvénients. Dire et redire que les effets néfastes d’une pandémie seront toujours supérieurs aux effets indésirables après vaccination. Le risque n’est pas du côté de la vaccination, de la médecine. Il est du côté de l’inertie de la société et de l’indifférence. Nous n’en sommes heureusement pas là.
Jacques Béal, Le Courrier Picard.

Les médias dominants se croient encore les maîtres de l’opinion publique alors qu’ils ont perdu toute crédibilité. Ainsi, malgré une campagne médiatique sans précédent, le nombre de vaccinations contre le virus de la grippe A(H1N1) fut comparable à celui de la grippe saisonnière.

Serge LEFORT
Citoyen du Monde exilé au Mexique

Annexes :
Grippe H1N1: les journalistes se défaussent, les autorités trinquent, AFP-Google Actualités du 06/01/2010.

Journalistes et spécialistes des questions de santé de radios et de grandes chaînes de télé se défendent d’avoir cédé à l’emballement dans le traitement médiatique de la pandémie de grippe H1N1, pointant la stratégie de communication du ministère de la Santé.

« Nous avons participé, pas plus, mais pas moins que les autres à la trouille ambiante », juge aujourd’hui Hélène Cardin, journaliste sur France Inter. « Je ne vois pas de quel droit j’aurais caché le taux de mortalité au Mexique ou le fait qu’aux États-Unis des femmes enceintes mouraient », souligne-t-elle dans une interview à l’AFP.

Depuis mai, la couverture médiatique de la pandémie en France a été souvent critiquée parce que jugée démesurée.

« Nos autorités sanitaires et politiques ont décrété une sorte d’état d’urgence médiatique autour de cette question. Dès lors, on est obligés de s’y conformer », renchérit le directeur de la rédaction d’Europe 1, Laurent Guimier dont l’obsession était « de ne pas participer à un emballement ». Pour preuve, la station n’a pas bousculé ses programmes ni consacré une journée spéciale à la pandémie.

Difficile toutefois de prendre du recul. « A partir du moment où vous avez un point de presse tous les jours, non seulement du ministère de la Santé mais du ministère de l’Intérieur avec Brice Hortefeux parlant de vaccination, comment aller dire à votre direction: «non je n’y vais pas» ? », convient Hélène Cardin qui parle « d’échec complet de la communication du ministère ».

Pour le sociologue Michel Setbon, directeur de recherche au CNRS, la communication gouvernementale ne s’est pas emballée tout de suite. La difficulté pour les autorités était de choisir une option de départ: la pandémie va-t-elle tuer beaucoup de gens ou ne sera-t-elle qu’une grippette ?

« Le plus gros problème est de n’avoir pas été en mesure de réviser la stratégie de communication au fur et à mesure des données qui tombaient », note-t-il jugeant qu’il allait « falloir en tirer certaines leçons ».

Une analyse partagée par Michel Cymes, qui présente présente chaque jour « Le magazine de la santé » avec Marina Carrère d’Encausse sur France 5.

« Au début, le traitement médiatique était très clair, factuel, informatif, on vulgarisait très bien. Tout s’est emballé quand le vaccin est arrivé et qu’on a commencé à se polariser sur des effets secondaires potentiels ou des annonces spectaculaires », explique-t-il.

Comme son confrère Michel Cymes, Alain Ducardonnet médecin consultant pour les JT de TF1, s’est déclaré « intégralement favorable à la vaccination ». Il considère avoir rempli un rôle pédagogique, tout en restant nuancé.

Refaisant l’historique de la pandémie, Alain Ducardonnet compare la stratégie gouvernementale de communication à un plan militaire en temps de guerre. « Le problème est que la quasi totalité des différentes phases du plan a été appliquée alors que l’épidémie n’était globalement pas au rendez-vous », explique-t-il.

Pour lui, « la révision stratégique a été un peu tardive », d’où « la distorsion de communication avec les médecins généralistes » écartés de la vaccination dans leurs cabinets. « Du coup », soutient-il, « il y a eu une véritable scission entre, d’un côté, l’État avec toutes ses armes et, de l’autre, des troupes qui ne voyaient pas la légitimité de ce que racontait l’État ».

Le doute A(H1N1), Le Monde du 13/01/2010.

Évitons d’abord les faux procès : nul ne peut sérieusement reprocher au gouvernement d’avoir vu trop grand pour éradiquer la pandémie annoncée due au virus de la grippe A(H1N1). Quand il a commandé, en juillet 2009, 94 millions de doses de vaccin, l’Organisation mondiale de la santé venait de décréter une alerte mondiale et des épidémiologistes prévoyaient 30 000 morts en France, cinq fois plus que pour la grippe saisonnière. Les Cassandre se sont trompées, mais le gouvernement – qui avait tiré les leçons de l’imprévoyance des pouvoirs publics lors de la canicule de 2003 – a eu raison d’appliquer le principe de précaution. Même à l’extrême.

Pour autant, l’échec de la campagne de vaccination est avéré : début janvier, un peu plus de 5 millions de personnes ont été vaccinées, soit un nombre similaire à celui qu’on enregistre chaque année pour la grippe saisonnière. La France doit revendre, dans des conditions qui restent à éclaircir, des millions de doses de vaccins achetées aux laboratoires. Cet échec est dû à la mauvaise organisation de la vaccination, pour la première fois offerte gratuitement à la population sans être obligatoire, et à une communication inadaptée.

La France s’est distinguée de ses voisins européens, qui n’ont pas pour autant obtenu de meilleurs résultats, en centralisant à l’excès la vaccination. Ce système « à la soviétique » aura été d’autant plus inadéquat qu’on savait, dès le départ, que le millier de centres de vaccination ne serait pas suffisant pour vacciner les trois quarts de la population si d’aventure ce scénario s’était présenté.

Tout a contribué à ne pas mettre en confiance la population. Non seulement les pouvoirs publics ont longtemps écarté du dispositif les médecins libéraux – même s’il y avait un vrai problème de rémunération -, mais ils n’ont pas fait appel au réseau des médecins du travail dans les entreprises ni aux infirmier(e)s. A l’évidence, la réintégration des médecins aujourd’hui arrive trop tard.

Devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le 12 janvier, Roselyne Bachelot s’est montrée inutilement agressive. Forte du soutien de Nicolas Sarkozy, la ministre de la santé a dénoncé l’attitude désinvolte et arrogante de l’opposition. Elle ferait mieux de s’interroger sur les ratés d’une communication qui n’a pas su convaincre. Depuis l’affaire du sang contaminé, dans les années 1980, l’opinion craint qu’on lui cache la vérité et se méfie des politiques de santé publique. C’est ce doute sur la parole politique qu’il faut s’employer à lever.

Lire aussi :
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2010, Monde en Question.
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2009, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.


[1] Deux exemples :
• Antoine Flahault : «La mortalité directe du H1N1 serait cent fois celle de la grippe saisonnière», Le Monde du 26/08/2009.
• Antoine Flahault : «Des millions de Français pourraient avoir été infectés par la grippe A sans le savoir», Le Monde du 29/12/2009.
[2] Subst. masc. et adj., péj. (Celui) qui est dissimulé, hypocrite, voire retors [CNRTL].
Curieusement, la Compagnie de Jésus fut fondée par Jean Colombini et le président du directoire de la SA Le Monde et directeur du journal Le Monde est Jean-Marie Colombani.
[3] Debré : « Cette grippe n’est pas dangereuse », leJDD du 25/07/2009.

Bernard Debré, professeur de médecine, député UMP de Paris et membre du comité national d’éthique, prend le contre-pied des déclarations du Premier ministre vendredi. Alors que François Fillon se faisait alarmiste sur la pandémie « inévitable » de la grippe A-H1N1, Bernard Debré estime que l’on en fait trop.
A partir du moment où l’OMS a, de façon un peu rapide, commencé à gesticuler, avec des communiqués quotidiens et des conférences de presse à répétition, les gouvernements n’avaient pas vraiment d’autre choix que de suivre. Je leur reproche d’avoir ensuite succombé à une surmédiatisation politique de cet événement.

Ils ont organisé la psychose


Révélation : président de la commission santé du Conseil de l’Europe, l’allemand Wolfgang Wodarg accuse les lobbys pharmaceutiques et les gouvernants.
Il a obtenu le lancement d’une enquête de cette instance sur le rôle joué par les laboratoires dans la campagne de panique autour du virus. Entretien sans détour.

Ex-membre du SPD, Wolfgang Wodarg est médecin et épidémiologiste. Il a obtenu à l’unanimité des membres de la commission santé du Conseil de l’Europe une commission d’enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion de la grippe A par l’OMS et les états.

Qu’est ce qui a attiré vos soupçons dans la prise d’influence des laboratoires sur les décisions prises à l’égard de la grippe A ?

Wolfgang Wodarg Nous sommes confrontés à un échec des grandes institutions nationales, chargées d’alerter sur les risques et d’y répondre au cas où une pandémie survient. En avril quand la première alarme est venue de Mexico j’ai été très surpris des chiffres qu’avançait l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour justifier de la proclamation d’une pandémie. J’ai eu tout de suite des soupçons : les chiffres étaient très faibles et le niveau d’alarme très élevé. On en était à même pas mille malades que l’on parlait déjà de pandémie du siècle. Et l’alerte extrême décrétée était fondée sur le fait que le virus était nouveau. Mais la caractéristique des maladies grippales, c’est de se développer très vite avec des virus qui prennent à chaque fois de nouvelles formes, en s’installant chez de nouveaux hôtes, l’animal, l’homme etc. Il n’y avait rien de nouveau en soi à cela. Chaque année apparaît un nouveau virus de ce type « grippal ». En réalité rien ne justifiait de sonner l’alerte à ce niveau. Cela n’a été possible que parce que l’OMS a changé début mai sa définition de la pandémie. Avant cette date il fallait non seulement que la maladie éclate dans plusieurs pays à la fois mais aussi qu’elle ait des conséquences très graves avec un nombre de cas mortels au dessus des moyennes habituelles. On a rayé cet aspect dans la nouvelle définition pour ne retenir que le critère du rythme de diffusion de la maladie. Et on a prétendu que le virus était dangereux car les populations n’avaient pas pu développer de défense immunitaires contre lui. Ce qui était faux pour ce virus. Car on a pu observer que des gens âgés de plus de 60 ans avaient déjà des anticorps. C’est-à-dire qu’ils avaient déjà été en contact avec des virus analogues. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs il n’y a pratiquement pas eu de personnes âgées de plus de 60 ans qui aient développé la maladie. C’est pourtant à celles là qu’on a recommandé de se faire vacciner rapidement.

Dans les choses qui ont suscité mes soupçons il y a donc eu d’un côté cette volonté de sonner l’alerte. Et de l’autre des faits très curieux. Comme par exemple la recommandation par l’OMS de procéder à deux injections pour les vaccins. Ca n’avait jamais été le cas auparavant. Il n’y avait aucune justification scientifique à cela. Il y a eu aussi cette recommandation de n’utiliser que des vaccins brevetés particuliers. Il n’existait pourtant aucune raison à ce que l’on n’ajoute pas, comme on le fait chaque années, des particules antivirales spécifiques de ce nouveau virus H1N1, « complétant » les vaccins servant à la grippe saisonnière. On ne l’a pas fait car on a préféré utiliser des matériaux vaccinales brevetés que les grands laboratoires avaient élaborées et fabriqué pour se tenir prêts en cas de développement d’une pandémie. Et en procédant de cette façon on n’a pas hésité à mettre en danger les personnes vaccinées.

Quel danger ?

Wolfgang Wodarg Pour aller vite dans la mise à disposition des produits on a utilisé des adjuvants dans certains vaccins, dont les effets n’ont pas été suffisamment testés. Autrement dit : on a voulu absolument utiliser ces produits brevetés nouveaux au lieu de mettre au point des vaccins selon des méthodes de fabrication traditionnelles bien plus simples, fiables et moins coûteuses. Il n’y avait aucune raison médicale à cela. Uniquement des raisons de marketing.

Comment a-t-on pu justifier de cela ?

Wolfgang Wodarg Pour comprendre il faut en revenir à l’épisode de la grippe aviaire de 2005 – 2006. C’est à cette occasion là qu’ont été définis les nouveaux plans internationaux destinés à faire face à une alarme pandémique. Ces plans ont été élaborés officiellement pour garantir une fabrication rapide de vaccins en cas d’alerte. Cela a donné lieu à une négociation entre les firmes pharmaceutiques et les Etats. D’un côté les labos s’engageaient à se ternir prêts à élaborer les préparations, de l’autre les Etats leur assuraient qu’ils leur achèteraient bien tout cela. Au terme de ce drôle de marché l’industrie pharmaceutique ne prenait aucun risque économique en s’engageant dans les nouvelles fabrications. Et elle était assurée de toucher le jack pot en cas de déclenchement d’une pandémie.

Vous contestez les diagnostics établis et la gravité, même potentielle, de la grippe A ?

Wolfgang Wodarg Oui, c’est une grippe tout ce qu’il y a de plus normale. Elle ne provoque qu’un dixième des décès occasionnés par la grippe saisonnière classique. Tout ce qui importait et tout ce qui a conduit à la formidable campagne de panique à laquelle on a assisté, c’est qu’elle constituait une occasion en or pour les représentants des labos qui savaient qu’ils toucheraient le gros lot en cas de proclamation de pandémie.

Ce sont de très graves accusations que vous portez là. Comment un tel processus a-t-il été rendu possible au sein de l’OMS ?

Wolfgang Wodarg Un groupe de personnes à l’OMS est associé de manière très étroite à l’industrie pharmaceutique.

L’enquête du conseil de l’Europe va travailler aussi dans cette direction ?

Wolfgang Wodarg Nous voulons faire la lumière sur tout ce qui a pu rendre cette formidable opération d’intox. Nous voulons savoir qui a décidé, sur la base de quelles preuves scientifiques, et comment s’est exercé précisément l’influence de l’industrie pharmaceutique dans la prise de décision. Et nous devons enfin présenter des revendications aux gouvernements. L’objectif de la commission d’enquête est qu’il n’y ait plus à l’avenir de fausses alertes de ce genre. Que la population puisse se reposer sur l’analyse, l’expertise des instituions publiques nationales et internationales. Celles ci sont aujourd’hui discréditées car des millions de personnes ont été vaccinés avec des produits présentant d’éventuelles risques pour leur santé. Cela n’était pas nécessaire. Tout cela a débouché aussi sur une gabegie d’argent public considérable.

Avez-vous des chiffres concrets sur l’ampleur de cette gabegie ?

Wolfgang Wodarg En Allemagne ce sont 700 millions d’euros. Mais il est très difficile de connaître les chiffres précis car on parle maintenant d’un côté de reventes de vaccins à des pays étrangers et surtout les firmes ne communiquent pas, au nom du principe du respect du « secret des affaires » les chiffres des contrats passés avec les Etats et les éventuelles clauses de dédommagements qui y figurent.

Le travail de « lobying » des labos sur les instituts de santé nationaux sera-t-il aussi traité par l’enquête du conseil de l’Europe ?

Wolfgang Wodarg Oui nous nous pencherons sur l’attitude des instituts comme le Robert Koch en Allemagne ou Pasteur en France qui auraientt dû en réalité conseiller leurs gouvernements de façon critique. Dans certains pays des institutions l’ont fait. En Finlande ou en Pologne, par exemple, des voix critiques se sont élevées pour dire : « nous n’avons pas besoin de cela ».

La formidable opération d’intox planétaire n’a-t-elle pas été possible aussi parce que l’industrie pharmaceutique avait « ses représentants » jusque dans les gouvernements des pays les plus puissants ?

Wolfgang Wodarg Dans les ministères cela me paraît évident. Je ne peux pas m’expliquer comment des spécialistes, des gens très intelligents qui connaissent par cœur la problématique des maladies grippales, n’aient pas remarqué ce qui était en train de se produire.

Que s’est-il passé alors ?

Wolfgang Wodarg Sans aller jusqu’à la corruption directe qui j’en suis certain existe, il y a eu mille manières pour les labos d’exercer leur influence sur les décisions. J’ai pu constater très concrètement par exemple comment Klaus Stöhr qui était le chef du département épidémiologique de l’OMS à l’époque de la grippe aviaire, et qui donc a préparé les plans destinés à faire face à une pandémie que j’évoquais plus haut, était devenu entre temps un haut cadre de la société Novartis. Et des liens semblables existent entre Glaxo ou Baxter, etc. et des membres influents de l’OMS. Ces grandes firmes ont « leurs gens » dans les appareils et se débrouillent ensuite pour que les bonnes décisions politiques soient prises. C’est à dire celles qui leur permettent de pomper le maximum d’argent des contribuables.

Mais si votre enquête aboutit, ne sera-t-elle pas un appui pour les citoyens d’exiger de leurs gouvernements qu’ils demandent des comptes à ces grands groupes ?

Wolfgang Wodarg Oui, vous avez raison, c’est l’un des grands enjeux lié à cette enquête. Les Etats pourraient en effet se saisir de cela pour contester des contrats passés dans des conditions, disons, pas très propres. S’il peut être prouvé que c’est la prise d’influence des firmes qui a conduit au déclenchement du processus alors ils faudra les pousser à ce qu’ils demandent à être remboursés. Mais ça c’est uniquement le côté financier, il y a aussi le côté humain, celui des personnes qui ont été vaccinés avec des produits qui ont été insuffisamment testés.

Quel type de risque ont donc pris, sans qu’ils le sachent, ces gens en bonne santé en se faisant vacciner ?

Wolfgang Wodarg Je le répète les vaccins ont été élaborés trop rapidement, certains adjuvants insuffisamment testés. Mais il y a plus grave. Le vaccin élaboré par la société Novartis a été produit dans un bioréacteur à partir de cellules cancéreuses. Une technique qui n’avait jamais été utilisée jusqu’à aujourd’hui.

Pourquoi, je ne suis évidemment pas un spécialiste, mais comment peut-on prétendre faire un vaccin à partir de cellules malades ?

Wolfgang Wodarg Normalement on utilise des œufs de poules sur lesquels les virus sont cultivés. On a besoin en effet de travailler sur des cellules vivantes. Car les virus ne peuvent se multiplier que de cette manière et donc, par définition, les préparations antivirus qui vont avec. Mais ce procédé présente un gros défaut, il est lent, il faut beaucoup d’œufs. Et il est long et complexe sur le plan technique. Une autre technique au potentiel remarquable consiste à cultiver les virus sur des cellules vivantes dans des bio-réacteurs. Pour cela il faut des cellules qui croissent et se divisent très vite. C’est un peu le procédé que l’on utilise pour la culture du yaourt que l’on réalise d’ailleurs aussi dans un bio-réacteur. mais dans ce contexte la cellule a été tellement bouleversée dans son environnement et sa croissance qu’elle croît comme une cellule cancéreuse. Et c’est sur ces cellules au rendement très élevé que l’on cultive les virus. Seulement pour fabriquer le vaccin il faut extraire à nouveau les virus de ces cellules sur lesquelles ils ont été implantés. Et il peut donc se produire que durant le processus de fabrication du vaccin des restes de cellule cancéreuse demeurent dans la préparation. Comme cela se produit dans la fabrication classique avec les œufs. On sait ainsi que dans le cas d’une vaccination de la grippe classique des effets secondaires peuvent apparaître chez les personnes qui sont allergiques à l’ovalbumine que l’on trouve dans le blanc d’oeuf. Il ne peut donc pas être exclu que des protéines, restes d’une cellule cancéreuse présentes dans un vaccin fabriqué par bio-réacteur, engendrent une tumeur sur la personne vaccinée. Selon un vrai principe de précaution il faudrait donc, avant qu’un tel produit ne soit autorisé sur le marché, avoir la certitude à 100% que de tels effets sont réellement exclus.

Et cela n’a pas été fait ?

Wolfgang Wodarg On ne l’a pas fait. L’AME ( Agence Européenne du Médicament), une institution sous la responsabilité du commissaire européen à l’économie, basée à Londres, qui donne les autorisations de mise sur le marché des vaccins en Europe, a donné son feu vert à la commercialisation de ce produit en arguant, en l’occurrence, que ce mode de fabrication ne constituait pas un risque « significatif ». Cela a été très différemment apprécié par de nombreux spécialistes ici en Allemagne et une institution indépendante sur le médicament, qui ont au contraire alerté et fait part de leurs objections. J’ai pris ces avertissements au sérieux. J’ai étudié le dossier et suis intervenu dans le cadre de la commission santé du Bundestag dont j’étais alors membre pour que le vaccin ne soit pas utilisé en Allemagne. J’ai fait savoir que je n’étais certainement pas opposé à l’élaboration de vaccins avec cette technique. Mais qu’il fallait d’abord avoir une garantie totale d’innocuité. Le produit n’a donc pas été utilisé en Allemagne où le gouvernement a résilié le contrat avec Novartis.

Quel est le nom de ce vaccin ?

Wolfgang Wodarg Obta flu.

Mais cela veut dire que dans d’autres pays européens comme la France le produit peut être commercialisé sans problème ?

Wolfgang Wodarg Oui, il a obtenu l’autorisation de l’AME et peut donc être utilisé partout dans l’Union Européenne.

Quelle alternative entendez vous faire avancer pour que l’on échappe à de nouveaux scandales de ce type ?

Wolfgang Wodarg Il faudrait que l’OMS soit plus transparente, que l’on sache clairement qui décide et quelle type de relation existe entre les participants dans l’organisation. Il conviendrait aussi qu’elle soit au moins flanquée d’une chambre d’élue, capable de réagir de façon très critique où chacun puisse s’exprimer. Ce renforcement du contrôle par le public est indispensable.

N’est ce pas la question d’un autre système capable de traiter une question qui relève en fait d’un bien commun aux citoyens de toute la planète qui affleure ?

Wolfgang Wodarg Pouvons nous encore laisser la production de vaccins et la conduite de ces productions à des organisations dont l’objectif est de gagner le plus possible d’argent ? Ou bien la production de vaccins n’est-elle pas quelque chose du domaine par excellence, que les Etats doivent contrôler et mettre en œuvre eux même ? C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut abandonner le système des brevets sur les vaccins. C’est à dire la possibilité d’une monopolisation de la production de vaccin par un grand groupe. Car cette possibilité suppose que l’on sacrifie des milliers de vies humaines, simplement au nom du respect de ces droits monopolistiques. Vous avez raison, cette revendication là a pris en tout cas pour moi l’aspect de l’évidence.

Entretien réalisé par Bruno Odent
Source : l’Humanité

Lire aussi :
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2010, Monde en Question.
• Revue de presse Grippe A/H1N1 2009, Monde en Question.
• Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.

Maladie, médecine et philosophie


En lisant les commentaires de l’article La grippe saisonnière tue !, on se rend compte combien les sociétés modernes des pays occidentaux ne savent plus penser la maladie et la mort. Le Mexique, malgré la colonisation non seulement économique et politique mais aussi culturelle [1], a conservé une tradition vivante de la mort. On peut s’en rendre compte à San Andrés Míxquic par exemple, un village au sud de México, où se déroule chaque année de grandes fêtes bien arrosées dans le cimetière le jour des morts [2].

Il existe des différences marquées entre la philosophie autochtone et la philosophie ouest-européenne de la médecine. Avant l’arrivée des étrangers sur notre continent, la médecine faisait partie de la vie de tous les jours. Elle était préventive plus que curative, ce qui amenait les gens à croire que lorsque la maladie éclatait, c’est qu’on avait manqué à la règle du respect de son corps en ne faisant pas ce qui devait être fait pour la prévenir. C’était donc une malédiction. Comme l’approche était holistique, on soignait le malade et non la maladie. On croyait que toute dérogation à la règle du respect du corps produisait un déséquilibre de l’organisme et que, par conséquent, on devait en subir la punition.

Le respect des animaux, des plantes, du sol nourricier auxquels on attribuait un esprit (Manito) faisait aussi partie de la vie quotidienne et ne pouvait être dissocié de l’équilibre de la santé physique dans son ensemble. La santé de l’esprit de son être, la santé par le respect de cet esprit qui guide l’esprit de son corps (Kijé Manito, ou l’Esprit de l’Esprit) devait en toute occasion être entretenue. Lorsque la maladie frappait, le remède administré était considéré comme une thérapeutique temporaire et non comme devant éliminer le problème de la maladie; celui-ci venait de l’entité de l’être malade, par une forme de non respect de l’une des lois non écrites de la vie quotidienne. L’élimination des symptômes de la maladie n’octroyait pas au malade la certitude de l’élimination de la maladie qui en était la cause. De là l’explication de l’approche globale de la médecine. Si les herbes éliminaient les symptômes de la maladie, elles n’éliminaient pas la cause de cette maladie et voilà pourquoi l’aspect psychologique devait aussi être considéré.

Intervenait alors, si le savoir du médecin se limitait au soin du corps, le médecin de l’esprit que beaucoup appellent encore «sorcier». Le médecin sorcier n’avait rien de maléfique, au contraire, et il recourait aux connaissances qu’il avait de l’esprit des humains pour soigner le psychisme du malade, comme on avait recouru avant lui aux plantes pour éliminer les symptômes de la maladie.

ASSINIWI Bernard, La médecine des Indiens d’Amérique, Guérin littérature, 1988

Il n’en a pas toujours été ainsi. C’est à partir de la Renaissance que le discours médical, devenant scientifique puis politique, se coupe petit à petit de l’homme pour devenir un discours performatif, normatif et directif (les campagnes antitabac par exemple) [3]. Alors que la médecine travaille sur des moyennes statistiques qui ne disent rien sur un individu, le discours médico-politique transforme les moyennes statistiques en normes et en prescriptions de comportements (la vaccination obligatoire par exemple).

Contre la déshumanisation de la médecine moderne occidentale, Georges Canguilhem entreprit de réhabiliter l’importance de l’individu, du malade. Prendre le parti de la vie, c’est penser l’individu et sa douleur, non le normal statistique ni la moyenne qui sont des constructions spéculatives. Notre existence, de la naissance à la mort, est aujourd’hui médicalisée au point que nous ne posons plus la question des normes morales et politiques qui l’accompagnent, la fondent et l’orientent.

Le psychose politico-médiatique à propos de la grippe A(H1N1), que je dénonce depuis le 27/04/2009, a pris chez certains la tonalité du vieux cauchemar de l’humanité de la fin du monde. L’ironie de l’histoire est que les dérives politiques du discours médical alimentent le discours irrationnel des religions.

Serge LEFORT
Citoyen du Monde exilé au Mexique

Lire aussi :
BARROUX Gilles, Philosophie, maladie et médecine au XVIIIe siècle, Honoré Champion, 2008 [Continent Sciences – France Culture].

L’étude du corpus médical du XVIIIe siècle offre de multiples centres d’intérêt : philosophique, historique et épistémologique.

Ce corpus présente d’abord une philosophie médicale à l’oeuvre. En cherchant à dresser une anthropologie de l’homme malade, il ne cesse de convoquer les philosophes : Aristote, Descartes, Locke, Condillac, Wolff…

Il renferme également une histoire conséquente de la médecine, en remontant aux origines de son art pour élaborer les différentes théories qui le composent. Mais son intérêt historique réside aussi dans la manière dont la médecine s’insère dans un contexte politique, juridique et économique en mouvement.

Enfin, il exprime une véritable pertinence épistémologique, en révélant un imposant réseau d’articulations fécondes entre sciences et méthodes d’investigation. Imprégnée par les modèles de la botanique, de la chimie, de la physique et des mathématiques, la médecine du XVIIIe siècle oscille entre sa filiation avec les figures tutélaires d’Hippocrate et de Galien, et le désir de se constituer comme science à part entière, plus tournée vers une approche expérimentale des phénomènes.

Toutes ces disciplines se rejoignent sur ce constat : c’est à une anthropologie aux multiples facettes que l’étude de la médecine de toute cette période nous invite.

Georges Canguilhem :
– CANGUILHEM Georges, Le normal et le pathologique, Quadrige PUF, [1943] 2009 [Amazon]
– 07/09/2006, Science et conscience – Georges Canguilhem, France Culture
– Collectif, Georges Canguilhem, philosophe, historien des sciences, Albin Michel, 1993
– Collectif, Actualité de Georges Canguilhem – Le normal et le pathologique, Empêcheurs Penser en Rond, 1998
– FAGOT-LARGEAULT Anne, DEBRU Claude, MORANGE Michel (sous la direction de), Philosophie et médecine – En hommage à Georges Canguilhem, Vrin, 2008 [BooksGoogle]
– LE BLANC Guillaume, Lectures de Canguilhem – Le normal et le pathologique, ENS Editions, 2000 [BooksGoogle]
– LE BLANC Guillaume, Canguilhem et les normes, PUF, 2008
– LECOURT Dominique, Georges Canguilhem, QSJ PUF, 2008 [Amazonl’Humanité]
Philosophie et médecine :
CNRS
CERPHI
CERSES
Formation à la lecture critique d’articles médicaux, Canal-U 1/32/32/3.
Articles Grippe A(H1N1), Monde en Question.
Revue de presse Grippe A(H1N1), 2009 Monde en Question 2010 Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Corps, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Risque & Gestion du risque, Monde en Question.


[1] GRUZINSKI Serge, La colonisation de l’imaginaire – Sociétés indigènes et occidentalisation dans le Mexique espagnol XVIe-XVIIIe siècle, Gallimard, 1988 [Monde en Question].
MAJFUD Jorge, La Vierge et le Quetzal : Mémoire profonde d’Amérindie, Tlaxcala.
[2] Fête des morts, Portail Mexique.
[3] Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire – L’économie des échanges linguistiques, Fayard, 1982.