Monde en Question

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Archives de Tag: Union sacrée

Union sacrée en Israël


Suivre l’actualité, courir après le vent.
Penser l’actualité, marcher à contre-courant.

 

Il y a deux jours j’écrivais :

Benjamin Netanyahu mobilise car la guerre fait taire les opposants qui rejoignent l’Union sacrée pour défendre la patrie en danger.
Monde en Question

Certains m’ont reproché mon pessimisme, mais, comme j’ai travaillé récemment sur le guerre 1914-1918, il m’est facile de prévoir la trahison des politiciens et des journailleux qui girouettent.

J’ai publié plusieurs éditoriaux de David Horovitz, fondateur et rédacteur en chef de Times of Israel, car il s’est opposé à la reforme judiciaire de Benjamin Netanyahu et de son gouvernement d’extrême droite. Mais, comme beaucoup d’autres avant lui, il a aujourd’hui retourné sa veste [les mots en gras font partie de mon commentaire] :

Les Israéliens lambdas qui composent l’armée de notre peuple – qui se sont rendus en hâte dans leurs unités à un chiffre bien plus élevé que ceux, nombreux, qui avaient été rappelés par Tsahal – sont déterminés à triompher. Avec, par exemple, les manifestants dénonçant le plan de refonte du système judiciaire, Brothers in Arms, et leurs détracteurs les plus féroces, dorénavant côte à côte.
The Times of Israël

Pire encore, il désigne, sans preuves naturellement, l’Iran comme l’instigateur de l’attaque du Hamas :

Mais au niveau stratégique, l’Iran “la pieuvre”, pour reprendre les mots de l’ancien Premier ministre Naftali Bennett, orchestre ce qui, espère Téhéran, se transformera en une victoire multidimensionnelle sur de multiples fronts.
[…]
Le groupe terroriste est prêt et il attend le signal de Téhéran.
idem

Le 5 janvier, il titrait son éditorial Ben Gvir est un pyromane, mais c’est Netanyahu qui lui a donné les allumettes (The Times of Israël), le 12 janvier Netanyahu place Israël sur le chemin d’une véritable “dictature démocratique” (The Times of Israël), le 9 février La démolition de la démocratie en Israël débute la semaine prochaine (The Times of Israël) et le 16 mars Un dernier appel : “Monsieur le Premier ministre Netanyahu, arrêtez cette folie !” (The Times of Israël).
Aujourd’hui, il pleurniche sur la lenteur de Benjamin Netanyahu à former un gouvernent d’Union nationale :

Nos dirigeants sont conscients de l’envergure du défi – même si Netanyahu s’est  montré déraisonnablement lent à former un gouvernement d’unité d’urgence, un gouvernement qui a finalement été annoncé mercredi en fin d’après-midi.
idem

L’aveuglement de ce sioniste de gauche, qui rejoint l’extrême droite, est manifeste dans sa citation de Golda Meir :

“Nous n’avons nulle part ailleurs où aller.”
idem

Les Palestiniens disent la même chose… depuis 75 ans, mais personne ne les écoute !

11/10/2023
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Monde en Question

Lire aussi :
Dossier Union sacrée (avec liens partagés), Monde en Question.
Dossier PALESTINE occupée depuis 1948 (avec liens partagés), Monde en Question.
Revue de presse Palestine-Israël, Monde en Question.
Veille informationnelle Palestine, Monde en Question.
Veille informationnelle Israël, Monde en Question.

Okraina (1933)


Cycle Cinéma Russie 1925-1953

 

Titre : Okraina – Faubourg
Réalisateur : Boris Barnet
Acteurs : Yelena Kuzmina, Robert Erdman, Sergei Komarov
Durée : 1h38
Année : 1933
Pays : Russie
Genre : Fiction
Résumé : Alors que l’Allemagne vient de déclarer la guerre à la Russie, un vent patriotique souffle sur le faubourg d’une des petites villes frontalières tsaristes. Tous les hommes en état de se battre partent au front et découvrent la dure et terrible réamité des tranchées.
En 1914, dans un faubourg non nommé d’une ville de la Russie tsariste, la vie suit tranquillement son cours. Les ouvriers de la cordonnerie, seule industrie du patelin, sont en grève. Mais rien de bien méchant, les ouvriers profitant de la grève pour passer du bon temps et narguer leurs patrons. La guerre qui éclate et les appels à l’unité nationale par-delà la lutte des classes mettent fin au conflit social, et conscrits comme volontaires partent presque la fleur aux fusils sous les acclamations. Mais la guerre suivant son cours et étant bien plus dure que prévu, le climat va se dégrader, autant dans le village que dans les tranchées.
Fiche : IMDb
Partage déniché par Monde en Question
Avis de Monde en Question : Ce film vaut le détour. Il montre les effets délétères de la propagande nationaliste en faveur de l’Union sacrée qui, en Russie comme ailleurs, a égaré les esprits. Beaucoup déchantèrent, mais très peu se révoltèrent sauf en Russie car la guerre aggrava les problèmes économiques et sociaux du régime tsariste.
Avis de : Sens Critique

 

Lire aussi :
Christopher CLARK, Les somnambules – Été 1914 Comment l’Europe a marché vers la guerre, 2015 [Texte en ligne].
Dossier Cinéma Russie, Monde en Question.
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Index Cinéma, Monde en Question.
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Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
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LO va-t-en-guerre contre Poutine



La campagne de Nathalie Arthaud contre Poutine
et contre les fauteurs de guerre impérialistes

 

J’ai entendu Nathalie Arthaud, la candidate de l’organisation trotskyste à l’élection présidentielle, s’exprimer sur la guerre en Ukraine.
Comme sa position est la même que celle de Marine Le Pen, j’ai envoyé un commentaire sur le site et reçu la réponse suivante :

J’ai du mal à comprendre exactement ce que tu nous reproches et ce que tu penses sur le sujet. De mon côté, je t’incite à lire la brochure du Cercle Léon Trotsky n°140 que tu trouveras sur notre site et qui, bien qu’écrite il y a plusieurs années, explique la situation présente.

J’ai donc développé mon point de vue :

Je m’en tiens au titre de la page spéciale et au discours de Nathalie Arthaud sur BFMTV : Vladimir Poutine a « fait le pas décisif » vers la guerre en Ukraine.

Je suis profondément choqué du fait que Nathalie Arthaud utilise les vieilles ficelles de la propagande politico-médiatique.
Elle martèle Poutine, Poutine, Poutine en sautant sur son siège comme un cabri. Le procédé est efficace, mais occulte trop de faits pour être crédible.

Vladimir Poutine n’est pas seul ! Comme tous les chefs d’État, il a un gouvernement, un parlement et une opposition dont certains membres sont plus nationalistes et anticommunistes que lui.
Depuis huit ans, Sergueï Lavrov et son équipe ont patiemment négocié afin que l’Ukraine ne soit pas intégrée dans l’OTAN.
Depuis huit ans, la Russie a alerté sur la politique de purification ethnique du gouvernement de Kiev contre la population du Donbass. Anne-Laure Bonnel a réalisé un documentaire en 2016 qui fut ignoré car il détruisait l’icône de la révolution Maïdan.
La chaîne RT, accusée d’être à la solde de Moscou comme au temps de l’URSS, rend pourtant compte de faits dérangeants pour le gouvernement russe [1].
Lutte Ouvrière répète le discours dominant contre la Russie de Vladimir Poutine qui est un copier-coller de celui contre l’URSS de Vladimir Ilitch Lénine à Mikhaïl Gorbatchev !

Nathalie Arthaud ne dit rien de la responsabilité de Volodymyr Zelensky, l’acteur comique d’une série télévisée qui célèbre Stepan Bandera comme un héros national. Elle ne dit rien de la nature du gouvernement ukrainien, otage volontaire des oligarques qui pillent le pays, des ultra-nationalistes néonazis qui retournent les revendications sociales contre les russophones et des États-Unis qui préparaient des armes biologiques dans plusieurs laboratoires en Ukraine.
Elle ne dit rien de l’ingérence de la France dans les pays de l’Est depuis 1991. Ingérence politique et militaire qui, associée de celles – directes et via l’OTAN – de l’UE et des États-Unis, a provoqué l’opération militaire spéciale.
Lutte Ouvrière répète le discours de l’Union sacrée contre la Russie en abandonnant la tradition internationaliste selon laquelle l’ennemi principal est dans notre propre pays !

Il est facile d’accuser la Russie de Vladimir Poutine de tous les maux, de se réfugier dans le ni ni et de pleurnicher sur les pauvres Ukrainiens de Kiev depuis un confortable studio de télévision parisien.
Un habitant du Donbass préfère avoir la vie sauve grâce à l’intervention de l’armée russe plutôt que de mourir d’une balle tirée par un milicien d’Azov et payée par le gouvernement français !

02/04/2022 jour de mon anniversaire
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Monde en Question

J’ajoute aujourd’hui que Nathalie Arthaud, qui se vante d’être économiste, serait bien inspirée de lire : Michael HUDSON, Super Imperialism – The Origin and Fundamentals of U.S. World Dominance, 2003 [Texte en ligne].
Articles Michael HUDSON, Site ENSite FR.

Lire aussi :
Cinéma Ukraine (en cours de publication), Ciné Monde.
Dossier USA-OTAN (avec liens téléchargement), Monde en Question.
Revue de presse USA-OTAN, Monde en Question.
Dossier RUSSIE (avec liens téléchargement), Monde en Question.
Revue de presse Russie, Monde en Question.
Dossier UKRAINE (avec liens téléchargement), Monde en Question.
Revue de presse Ukraine, Monde en Question.
Revue de presse, Monde en Question.


Notes et références


[1] Voici quelques exemples de la propagande dont on accuse RT :
– 28/02/2022, Russie : arrestations lors de nouvelles manifestations contre la guerre en Ukraine, RT
– 03/03/2022, Près de 7 000 scientifiques russes protestent « contre l’invasion militaire de l’Ukraine », RT.
– 15/03/2022, Une employée d’une chaîne russe brandit une pancarte « No war » pendant le journal télévisé, RT.
– 01/04/2022, Selon la Russie, des hélicoptères ukrainiens ont attaqué un site pétrolier sur son sol, RT.

Penser l’Ukraine


Selon certains ami(e)s que je nommerai pas par discrétion, Serge serait devenu « un bolchevique adorateur du dictateur Poutine ». J’avoue qu’entendre ou lire cela provoque un sourire ironique qui se transforme vite en fou rire. J’ose la formule qui convient : c’est à pisser de rire !

Mes détracteurs ignorent beaucoup de choses, entre autres que Vladimir Poutine, le président autoritaire de la Russie, est farouchement anticommuniste comme il l’a longuement expliqué dans son discours du 21/02/2022. Ils sont d’ailleurs si peu sûrs de leurs croyances qu’il ne prennent pas le temps d’entendre ce que dit le diable, symboliquement associé à Hitler, ni de lire les analyses de ceux qui posent la question La Russie de Poutine a-t-elle eu raison d’envahir l’Ukraine ?, mais droits dans leurs bottes caquètent le copier-coller du buzz médiatique.
Désolé, mais au lieu de hurler avec les loups, je lis, lis, lis encore et relis car j’essaie de comprendre une situation qui, comme l’a justement rappelé le délégué de la Chine à l’ONU, est terriblement complexe. Et donc je doute… au point de rester éveillé tard dans la nuit (il est déjà deux heures du matin).

En tant qu’historien, je n’oublie pas que Kiev fut la capitale du premier État Rus’ fondé aux alentours de 880 par les Varègues sous la direction d’un chef viking venu de Suède. C’était un État, pas au sens moderne du terme naturellement (avec des frontières floues par exemple), mais culturellement et ethniquement très diversifié. Plus précisément, la Rus’ de Kiev est la plus ancienne entité politique commune à l’histoire des trois États slaves orientaux modernes : Biélorussie, Russie et Ukraine.
À ceux qui s’intéressent vraiment à l’Ukraine, je conseille de lire Paul Robert MAGOCSI, A History of Ukraine – The Land and Its Peoples, 2010 (réédition enrichie avec un sous-titre plus explicite) [Texte en ligne].
Jusqu’à présent, la plupart des histoires de l’Ukraine ont été des histoires du peuple ukrainien. Paul Robert Magocsi traite des autres peuples et cultures qui se sont développés à l’intérieur des frontières de l’Ukraine, notamment les Tatars de Crimée, les Polonais, les Russes, les Allemands, les Juifs, les Mennonites, qui forment tous une partie essentielle de l’histoire ukrainienne.
J’ai mis en ligne d’autres références dans le dossier UKRAINE.

Je dis et je répète à un ami Ukrainien qui vit en France : depuis 2014, ton gouvernement est instrumentalisé par les États-Unis qui attisent dangereusement les rancœurs anti-russes (réelles et imaginaires) alors que ton pays a besoin de stabilité pour assurer son développement économique et politique. La livraison massive des armes ne résoudra jamais l’augmentation dramatique du chômage, mais transforme des sans-emplois en mercenaires livrés aux mains des différents factions qui pillent le pays. En participant à la farce électorale, qui a donné la victoire à un acteur comique de la télévision, la majorité des Ukrainiens se sont condamnés à devenir les esclaves consentants d’intérêts qui ne sont pas du tout les leurs.

 

Je pense que malheureusement la Russie (Vladimir Poutine, même autoritaire, n’est pas seul) n’avait pas d’autre choix après l’échec de 8 ans de négociation. Ni l’OTAN ni le gouvernement ukrainien n’ont respecté leurs engagements et leurs accords. Il suffit de regarder la carte de l’extension de l’OTAN entre 1990 et 2022 pour comprendre que la Russie était menacée de disparaître à moyen terme :

 

Pour comprendre l’enjeu géopolitique de la guerre en cours, il utile de relire Zbigniew BRZEZINSKI, Le grand échiquier – L’Amérique et le reste du monde, 1997 [Texte en ligne]. Depuis la chute de l’URSS, les États-Unis veulent en finir avec la Russie en se servant de l’Europe embrigadée dans l’OTAN. Il ne faut pas oublier qu’en ostracisant la Russie post-communiste, l’Europe a perdu la chance de se libérer de la domination américaine imposée après 1945. Dans son aveuglement, elle a poussé la Russie dans les bras de l’Asie et en particulier de la Chine. Ce virage est irréversible pour peut-être un siècle. Il est donc trop tard pour pleurer !

Il est clair que la voie militaire, choisie en dernier recours par la Russie, comporte beaucoup, beaucoup de risques. Ma crainte est que la logique militaire aboutisse à une occupation, non voulue mais de fait, qui serait désastreuse – plus encore pour la Russie que pour l’Ukraine. On verra… Tous les témoins honnêtes rapportent que, s’il y a inévitablement des victimes civiles, l’armée russe a pris en compte dès le départ ce paramètre car elle encercle les villes sans y pénétrer. À Kiev par exemple, ce sont des bandes armées et des individus isolés qui créent le chaos dans la capitale en tirant dans tous les coins.

Il ne faut pas oublier qu’une guerre se gagne aussi dans la préparation en amont. Les armées russes sont mobilisées depuis mars 2021. Elles ont testé les forces américaines en différents lieux notamment en mer Noire et en Syrie. Les agents russes (Vladimir Poutine fut officier du KGB avant d’être président) sont très présents sur tout le territoire de l’Ukraine et plus fortement à l’est du Dniepr et au sud de la ligne Kharkov-Odessa. L’armée de terre n’avance donc pas en territoire inconnu, mais progresse selon des plans établis et mis à jour en fonction de l’évolution sur le terrain.

Comme l’a écrit un éditorialiste mexicain, Poutine a déjà chié sur l’OTAN. Il chiera sur les sanctions de l’Europe et des États-Unis contre les entreprises et les banques russes. J’ai dans mes archives plein d’articles évoquant la préparation d’un contournement du système interbancaire occidental SWIFT. En voici un, pris au hasard, du 28/10/2019 : La Russie, la Chine et l’Inde auraient trouvé un moyen de contourner le système SWIFT. Selon Eurostat, 46,8% des importations européennes de gaz naturel viennent de Russie ! La dépendance varie naturellement selon les pays : l’Allemagne 66% et la France 20%. Cette différence sur le plan économique explique celle des discours politiques. Sauf que les aboiements du coq ne le sauveront pas du désastre occasionné par une récession de l’économie allemande.

Après le rouleau compresseur de la propagande sur le Covid-19, qui prenait l’eau suite au constat officiel que la vaccination augmentait le nombre de nouveaux cas du variant omicron et même les risques chez les vaccinés, l’union sacrée se réalise très naturellement contre la Russie en générale et contre (Vladimir) Poutine en particulier – l’omission du prénom est un détail important de la manipulation. Dans mes articles, j’ai toujours écrit le nom complet des politiques que je critiquais : Barack Hussein Obama et non Obama ou Dominique Strauss-Kahn et non DSK.

Presque tout le monde est d’accord pour répéter que RT est un média de propagande russe et devrait être donc interdit. J’avoue ne pas comprendre cette logique d’interdire un média au nom de la liberté d’expression. On est tombé dans la schizophrénie résultant de l’injonction paradoxale sois libre ! Le plus inquiétant est que les obsédés de la liberté d’interdire n’ont jamais lu ce quotidien en ligne. Voici un exemple, pas pris au hasard, du 28/02/2021 qui contredit totalement le dogme imposé et accepté : Russie arrestations lors de nouvelles manifestations contre la guerre en Ukraine.

La vidéo, supprimée par LCI mais mise en ligne sur YouTube [Télécharger], est également riche d’enseignement sur la fabrication de l’information politiquement correcte :

 

Le Temps, quotidien suisse, a commenté mais de manière totalement biaisée la carte des réactions des gouvernements à « l’invasion de l’Ukraine » :

 

La carte montre que le bloc des pays qui condamnent et souhaitent riposter se réduit à l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie. La majorité des pays, surtout en terme de population, soutiennent ou ne condamnent pas l’intervention des armées russes en Ukraine : toute l’Asie sauf la Corée du Sud et le Japon, le Moyen-Orient, la majorité des pays d’Afrique et trois pays d’Amérique latine dont le Brésil.
Quant aux sanctions, elles restent jusqu’à maintenant à l’état de souhaits divers et variés. La seule riposte efficace, l’engagement militaire en faveur de l’Ukraine, est exclus par tous les beaux parleurs. L’État d’Israël est le premier à en tirer la leçon : Poutine, l’échec de la diplomatie et les dures leçons à en tirer pour Israël, The Times of Israël, 24/02/2022.

Ma conclusion est abrupte : au lieu de se masturber pour savoir si Vladimir Poutine est oui ou non un dictateur (je pourrais disserter des heures voire des jours sur ce dilemme), s’il avait ou non le droit de réaliser cette opération militaire en Ukraine (le droit est à géométrie variable comme nous l’avons vu pour l’Irak et la Libye), il faut prendre en compte l’histoire géoéconomique et géopolitique de l’ensemble de la région sur le temps long.

L’Ukraine est un État très récent qui, au lieu de copier servilement un modèle politique que des voisins ont mis des siècles à bricoler, a besoin d’abord d’assurer son développement et son indépendance économique. Cette tâche est beaucoup plus difficile à réaliser aujourd’hui car le marché mondial est davantage verrouillé et contrôlé. Elle est difficile aussi car ce pays manque cruellement de cadres possédant une vision historique de leur pays. Le court terme, qui est de plus en plus court avec l’accélération des technologies et qui fait table rase du passé, est l’handicap majeur pour le développement de l’Ukraine. Ses atouts tiennent à la fois à sa position géographique, à sa superficie (603  548 km² soit le plus grand pays d’Europe après la Russie) et à son histoire, certes tourmentée mais très riche.

L’heure est venue de réactiver la communauté économique, politique et culturelle des peuples qui vivent en Biélorussie, en Ukraine et en Russie. Sinon l’Ukraine risque d’être le tombeau de l’Europe qui s’est dramatiquement construite en bidouillant des États ethniquement purs. Rêve d’historien ? Peut-être, mais rêve plus enthousiasmant pour l’avenir que l’affrontement sanglant des nationalismes qui pourrit l’Europe depuis le XIXe siècle.

28/02/2022 très tard dans la nuit
Serge LEFORT
Citoyen du Monde et rédacteur de Monde en Question

Lire aussi :
Dossier RUSSIE (avec liens téléchargement), Monde en Question.
Revue de presse Russie, Monde en Question.
Dossier UKRAINE (avec liens téléchargement), Monde en Question.
Revue de presse Ukraine, Monde en Question.

Charlie, nouvelle religion d’État


 

Par quel miracle un journal satirique a-t-il pu devenir l’un des organes de la pensée officielle ? Cette métamorphose témoigne bien sûr de la capacité du système à faire feu de tout bois et à tout recycler mais elle montre surtout les affinités entre la pensée libérale-libertaire et les intérêts des élites mondialistes. Et celles-ci ne sont jamais avares pour récompenser leurs loyaux serviteurs comme on l’a vu à l’occasion du battage médiatico-politique qui a suivi les attentats de janvier : minutes de silence un peu partout en France, drapeaux en berne, journées de deuil national, manifestations de solidarité émaillées de « dérapages » anti-Islam, grande marche républicaine symbolisant l’union sacrée des politiques contre « la barbarie et le terrorisme » à laquelle se sont associés la totalité des partis du système et des organisations de l’antiracisme institutionnel ainsi que de nombreux chefs d’État, slogans de soutien omniprésents, déclarations martiales des responsables politiques en dépit des zones d’ombre qui brouillent cette nouvelle affaire, à l’image de celles des attentats du 11 septembre.

À l’occasion du premier anniversaire des attentats, les élites politiques ressortent les plats – avec parfois quelques ratages – au risque de provoquer la nausée. Exploiter jusqu’au bout ce drame pour renforcer le système de domination et pour lancer la France dans des aventures militaires de tous les dangers – le tout sous couvert de « guerre contre le terrorisme » – est clairement la ligne politique du gouvernement. Les bénéfices attendus sont bien là : restauration d’un crédit politique perdu sur le front économique et social et promulgation d’une batterie de lois liberticides pour museler la contestation sociale. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. La mascarade du 11 janvier et celle des commémorations forcées du premier anniversaire (en attendant les suivants !) ont aussi pour objectif de formater les esprits en posant les bases de ce que l’on pourrait appeler une « religion d’État ». Une religion laïque – et même laïciste – mais dont la fonction première est de dresser un rideau de fumée idéologique entre la conscience et la réalité.

Le 7 janvier 2015, c’est l’un des centres névralgiques du système de domination médiatique qui a été visé. Et pas n’importe lequel : Charlie Hebdo, passé du scato-gauchisme au néoconservatisme bon teint, spécialisé dans la discrimination antimusulmane sous couvert de « liberté d’expression » (pourtant à géométrie bien variable par les temps qui courent…) avec la bénédiction des élites politiques qui n’ont jamais ménagé leurs efforts pour le soutenir, en particulier au moment du procès des caricatures. Et pour cause… Les colonnes du journal accueillent régulièrement la fine fleur de l’atlantisme dans sa version la plus dure, notamment des journalistes de la mouvance néoconservatrice du Cercle de l’Oratoire : Caroline Fourest, qu’on ne présente plus, Robert Misrahi, Mohamed Sifaoui. Le journal s’était notamment illustré en publiant un « manifeste des 12 », dénoncé à juste titre par la Ligue des Droits de l’Homme, sous-titré « ensemble contre le nouveau totalitarisme » qui n’est rien de moins qu’une déclaration de guerre contre la menace islamique assimilée à la barbarie et au totalitarisme : « Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme, et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme ». On a déjà vu analyse plus nuancée…

Également dans le viseur du journal, la religion catholique. La dernière une (en date) du journal, associant crime et religion, a provoqué colère et consternation. Mais le profond mépris pour la religion (et les croyants) affiché par le journal masque en réalité une orthodoxie bien prégnante. Elle s’est notamment manifestée à l’occasion des cérémonies d’hommage aux victimes quand il s’est agi de « repérer et de traiter ceux qui ne sont pas Charlie ». Comme toutes les religions, celle du politiquement correct a ses croyants, ses intégristes, ses apostats, ses hérétiques, ses agnostiques, ses curés et se sicônes. Et les brebis égarées pourront toujours compter sur la miséricorde divine si elles font acte de repentance puisque, comme le dit si bien Nathalie Saint Bricq, « il faut réintégrer dans la communauté nationale ceux qui ne sont pas Charlie ».

Comme toutes les religions, celle de Charlie a une fonction idéologique, celle de montrer une image tronquée, faussée et parfois inversée du réel. Tout esprit ayant échappé au formatage des consciences ne peut qu’être frappé par la contradiction manifeste entre les discours dominants et les pratiques. Ainsi, l’humoriste Dieudonné a été condamné pour apologie du terrorisme (!) en raison d’un message posté sur son compte Facebook dans lequel il affirmait « se sentir Charlie Coulibaly », le jour même de la marche républicaine du 11 janvier ! Rappelons tout de même que le mot d’ordre de cette manifestation géante était la défense de la liberté d’expression…

Surfant sur la peur provoquée par les événements de janvier et leur ultramédiatisation, les élites politiques ont promulgué une nouvelle loi pour réduire un peu plus les libertés publiques. Ou comment prétendre défendre la liberté d’expression contre une prétendue « menace islamique »… en encadrant celle-ci. Sans même parler de celles votées précédemment. Ainsi le délit pour apologie de terrorisme aux contours éminemment flous que l’exécutif a fabriqué dans le cadre de la loi antiterroriste de l’automne 2014 pourra valoir à son auteur pas moins de 7 ans de prison et de 100.000 euros d’amende ! La saturation médiatique des attentats et la propagande pro-Charlie déversée par les médias sous contrôle n’aura pas été de trop pour faire croire que la vraie menace qui pèse sur les libertés vient de l’Islam et non du pouvoir en place…

Mais l’une des caractéristiques de la mobilisation pro-Charlie (comme de celle qui a suivi les attentats de novembre) est l’appel à l’unité nationale sur fond de guerre contre le terrorisme. Grâce l’alchimie de l’union sacrée contre un ennemi à la fois extérieur et intérieur, les clivages sociaux et politiques disparaissent comme par magie : plus de riches, ni de pauvres, plus d’exploiteurs ni d’exploités mais des pro-Charlie et des crypto-terroristes. L’enjeu principal est sans doute ici : faire croire aux populations qu’elles ont les mêmes intérêts que les élites mondialistes et que la population syrienne mourant sous les bombes de l’aviation française est massacrée dans l’intérêt de la France.

L’esprit Charlie, nouvel avatar de la pensée dominante ? Sans doute, et le laïcisme agressif qui est sa marque de fabrique dessine les contours d’une nouvelle religion, concurrente de toutes les autres. Une religion qui n’ouvre pas les portes du Paradis mais celles d’un monde où la seule liberté qui existe est de pousser son chariot de supermarché, de laver son cerveau avec la télévision et de se faire tondre à l’occasion.

07/01/2016
Nicolas Bourgoin

Lire aussi :
Je ne suis pas Charlie, Monde en Question
Articles Charlie, Monde en Question.
Dossier documentaire Propagande, Monde en Question.

La terrorisation démocratique


 

Après les arrestations dans l’affaire dite de Tarnac, le 11 novembre 2008, trente-deux personnalités s’interrogeaient dans Le Monde : « Les lois d’exception adoptées sous prétexte de terrorisme et de sécurité sont-elle compatibles à long terme avec la démocratie ? »

C’était poser bien tard une question mal formulée. En effet, à moins de considérer la « démocratie » comme une abstraction morale et non pour ce qu’elle est – un mode de régulation politique du capitalisme -, force est de constater qu’elle s’est nourrie d’un arsenal législatif « antiterroriste » sans cesse enrichi, surtout depuis 1986. En 2008, à l’heure où les signataires semblent le découvrir, cet arsenal a vingt-deux ans d’âge et il se confond avec le système démocratique qui l’a engendré, dans un consensus politique qui, avec le temps, approche la perfection de l’Union sacrée.

En 1982, après une série d’attentats, le secrétaire d’État à la Sécurité publique Joseph Franceschi proposait de faire du « terrorisme » la métaphore d’une vie sociale où chaque être humain devrait craindre son semblable comme un prédateur, mais d’où la violence de classe aurait miraculeusement disparu : « Les agressions contre les personnes âgées et les femmes seules, vols divers, cambriolages, en bref toutes les atteintes aux personnes et aux biens [font partie] du terrorisme au quotidien. »

Sachons lire entre les lignes : qualifier de « terrorisme » le vol à la tire, les graffitis ou le tapage nocturne, c’est associer dans l’esprit du public le poseur de bombes, l’étranger et le jeune. Ces trois « figures dangereuses » – au sens où l’historien Louis Chevalier parlait des « classes dangereuses » – resteront étroitement mêlées dans les décennies suivantes. Le durcissement de l’arsenal « antiterroriste » s’accompagnera d’une répression accrue de l’immigration et de la délinquance des mineurs. Il ne s’agit pas simplement de phénomènes concomitants, traduisant un raidissement autoritaire de la société, mais bien d’une stratégie sociale cohérente qui, comme nous le verrons par de nombreux exemples, s’annonce comme telle, et que nous nommons terrorisation.

C’est qu’en effet les gouvernants ne se contentent pas de « terroriser les terroristes », selon la formule attribuée au ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, qui en usa en 1986. Il n’en est pas l’inventeur, puisqu’elle se trouve sous la plume du démocrate chrétien Georges Bidault, en 1937, après une série d’attentats à la bombe, fascistes ou d’extrême gauche. Vieille rodomontade, donc, qui inspira, dès la deuxième moitié des années 1930, des mesures contre l’immigration clandestine.

On le sait, la bourgeoisie moderne a noyé les valeurs traditionnelles de compassion et d’entraide dans les eaux glacées du calcul égoïste, mais l’objectif qu’elle s’assigne c’est faire de la vie entière un objet de gestion économique. Las ! la « politique du chiffre » est parfois trop claire. Le gouvernement ayant affiché, pour l’année 2011, un objectif d’interpellations d’aidants au séjour irrégulier d’étrangers « supérieur à 5 500 », le ministre Éric Besson dut, pour obscurcir une telle clarté, produire au plus vite des mensonges contradictoires entre eux. L’État ne s’en était jamais pris qu’aux passeurs ! Notons, avant d’y revenir à propos de la terrorisation des immigrés, que l’objectif de plus de 5 500 interpellations se combinant avec celui, pour la même année, de 30 000 reconduites à la frontière, suppose au moins un passeur pour six clandestins, rapport qui fera pâlir d’envie les personnels de l’Éducation nationale… N’étaient les dramatiques implications pour des êtres de chair et de sang de ces délires policiers et comptables, on serait tenté d’en rire. Mais, comme le dit un Premier ministre dans Hamlet : « Quoique ce soit folie, il y a pourtant en elle de la méthode ».

Nous tenterons, dans les pages qui suivent, d’apporter quelques éléments d’analyse de cette folie, de sa méthode et de ses conséquences.

Claude GUILLON, La terrorisation démocratique, Libertalia [IntroductionArticles].

Lire aussi :
Dossier documentaire Claude GUILLON, Monde en Question.
Dossier documentaire 11 septembre 2001, Monde en Question.

Ça faisait longtemps que Charlie Hebdo ne faisait plus rire


Le fait que les journalistes de Charlie Hebdo abusent de la liberté d’expression pour faire la propagande d’un racisme politiquement correct ne justifie en aucune manière leur assassinat.

Les médias dominants, ainsi que les plumitifs de l’extrême gauche à l’extrême droite, n’ont pas attendu de connaître les faits pour qualifier ce crime d’attentat et l’attribuer à des islamistes. Depuis 2001, les adeptes du « choc des civilisations » mènent une croisade contre le « terrorisme islamique » en pratiquant l’amalgame selon les principes de la propagande nazie.

L’appel à l’Union sacrée révèle la démagogie de politiciens déboussolés. La mobilisation orchestrée illustre la volonté d’entretenir la peur en faisant des musulmans les responsables de tous les maux de notre société comme les juifs le furent par la propagande nazie.

À qui profite le crime ? Certainement pas aux auteurs présumés et encore moins aux français musulmans victimes de l’islamophobie. Ce crime profite à ceux qui, en France et dans le monde, attise la haine de l’autre pour prôner une nouvelle Reconquista.

08/01/2015
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• Ça faisait longtemps que Charlie Hebdo ne faisait plus rire, aujourd’hui il fait pleurer, Quartiers libres.
• Douze morts dans un attentat terroriste contre Charlie Hebdo à Paris : Que s’est-il réellement passé ?, Mondialisation.
• Qui a commandité l’attentat contre Charlie Hebdo ?, Mondialisation.
• De quoi le Djihad est-il le nom ?, Survie.
Articles Charlie Hebdo, Monde en Question.
Dossier documentaire Racisme, Monde en Question.

Hommage aux 1400 civils tués en Afghanistan en 2011


Alors que la droite et la gauche célèbrent leur Union sacrée contre l’Afghanistan et la Libye, la MANUA dévoile le chiffre de 1400 civils tués en Afghanistan en 2011 – en hausse de 15% par rapport à celui de l’année dernière sur la même période. Cette source occidentale attribue la responsabilité de 80% des civils tués aux « insurgés » – terme révélateur de la propagande qui excuse les troupes étrangères.

La propagande guerrière publie le décompte à l’unité près (2571) des pertes militaires des forces occidentales, mais passe sous silence les dizaines de milliers de civils tués. Même les organisations internationales, dont c’est le travail, ne font pas le décompte exact des morts et des blessés Afghans car ces gens-là ne comptent pas…

La même propagande justifie la guerre coloniale contre la Libye pour « pour obtenir des contrats de reconstruction avec les autorités qui auront été mises en place à l’issue de la guerre » dans l’indifférence quasi générale… Dans les médias, le débat ne se situe pas au niveau des ambitions, mais des moyens militaires [1].

16/07/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi :
• On estime à 3767 au moins le nombre de civils tués par les bombardements américains, RAWA.
Dossier documentaire & Bibliographie Afghanistan, Monde en Question.
Dossier documentaire & Bibliographie Libye, Monde en Question.


[1] Lire :
• Défense : l’armée française à bout de force ?, France 24.
• Débat et vote de l’Assemblée nationale française sur l’intervention des forces armées en Libye, Réseau Voltaire.
• Les députés français votent la guerre, Réseau Voltaire.
• La gauche et la droite votent au parlement la poursuite de la guerre en Libye, WSWS.

Que la guerre est jolie !


Les bellicistes de tout poil disent toujours que la guerre sera de très courte durée et sans risques. Ils vendent d’autant plus facilement la guerre comme une simple promenade de santé qu’ils ne la font pas eux-mêmes. Ces planqués de l’arrière font la propagande, c’est-à-dire la guerre mais sans risquer d’être blessés ou tués.

Ce fut le cas en 1914 où, embrigadés par l’Union sacrée, les troupes sont parties la fleur au fusil :

Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu’à travers des chromos patriotiques. […] Persuadés de l’écrasante supériorité de notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires faciles et éclatantes.
Jean Galtier-Boissière, La fleur au fusil, Éditions Baudinière, 1928.

Le chef d’état-major des armées françaises, l’amiral Edouard Guillaud, vend la guerre contre la Libye comme limitée dans le temps.

Interrogé sur la durée des opérations de la coalition internationale, l’amiral Guillaud a répondu : « par définition, je ne peux pas répondre à cette question, je doute que ce soit en jours, je pense que ce sera en semaine et j’espère que ce ne sera pas en mois ».
Xinhua

Or, non seulement la résolution 1973 de l’ONU ne mentionne aucune durée, mais la Turquie va participer à des opérations militaires sous le commandement de l’OTAN… pendant au moins un an.

Après avoir répété qu’il était radicalement opposé à toute ingérence étrangère en Libye, le parlement turc a finalement avalisé jeudi l’envoi de cinq bâtiments de surface et d’un sous-marin au large de la Libye, pour une mission d’un an, rapporte le correspondant de RIA Novosti.
RIA Novosti

25/03/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Le titre est emprunté au film de Richard Attenborough.
Lire aussi : Ah, que la guerre est jolie !, Causeur.

Le 20 janvier dernier, Alain Juppé et quelques généraux ont décidé d’une résurrection : celle de L’Ecole de Guerre. Non pas que cette prestigieuse institution chargée de former la crème des officiers à la géostratégie ait disparu mais depuis 1993, elle avait été baptisée.

Il y a deux manières, finalement, d’envisager cette manip linguistique. On peut se réjouir d’un recul de l’euphémisation généralisée qui caractérise la langue française depuis que le politiquement correct s’est emparé d’elle. Ainsi, il est tout de même plus sain d’appeler un chat un chat et une guerre une guerre, surtout quand on évolue dans un monde de non-voyants procédant à des réajustements structurels de notre économie, ou si vous préférez, à des aveugles démantelant l’État-Providence.

Mais on peut aussi se demander si cette réintroduction du mot guerre ne marque pas aussi la prise de conscience d’un monde devenu si inégalitaire qu’il est difficile d’imaginer qu’il puisse résoudre ses contradiction autrement que par de bons gros conflits bien sanglants, genre Irak ou Afghanistan. Comment il disait, Jaurès, déjà ? Ah oui : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »

Les égarements de Wallerstein (I)


Le dernier commentaire d’Immanuel Wallerstein traite de la Lybie et la gauche mondiale. Il s’aventure à faire des prévisions qui, deux jours plus tard, se révèlent totalement erronées.

[…] il n’y aura pas d’engagement militaire majeur du monde occidental en Libye. Leurs déclarations publiques ne sont que des rodomontades destinées à impressionner leurs opinions. Il n’y aura pas de résolution du Conseil de sécurité car la Russie et la Chine ne suivront pas. Il n’y aura pas de résolution de l’OTAN car l’Allemagne et quelques autres ne suivront pas. Même la position anti-Kadhafi militante de Sarkozy rencontre des résistances en France.
Et par-dessus tout, l’opposition aux États-Unis à une action militaire vient de l’opinion publique et, plus important, de l’armée.

Que de naïveté et que d’informations erronées de la part de celui qui est tant admiré pour la perspicacité de ses analyses par le microcosme altermondialiste !

Le pire est dans le fait que Wallerstein considère Hugo Chavez comme un représentant de la gauche en Amérique latine qu’il oppose aux « porte-paroles de la gauche mondiale au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique, en Europe et même en Amérique du Nord ». Il se garde bien d’expliciter qui sont, pour lui, ces mystérieux représentants de la gauche mondiale et surtout d’expliciter ce que signifie la gauche mondiale. On nage dans la confusion !

Le message d’Immanuel Wallerstein est clair : la gauche mondiale, dont il fait parti, est prête à appuyer la rébellion armée contre le colonel Khadafi au nom des droits de l’homme ! C’est exactement ce qui a eu lieu. L’histoire de la gauche est l’histoire de trahisons réalisées au nom de l’Union sacrée par des intellectuels aussi inconsistants politiquement que Immanuel Wallerstein.

20/03/2011
Serge LEFORT
Citoyen du Monde

Lire aussi : Dossier documentaire & Bibliographie Immanuel WALLERSTEIN, Monde en Question.