Monde en Question

Analyse de l'actualité économique, politique et sociale dans le monde

Archives Journalières: 22/03/2021

Le doulos (1962)


Cycle Jean-Pierre MELVILLE (réalisateur)

 

Titre : Le doulos
Réalisateur : Jean-Pierre Melville
Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani, Michel Piccoli
Durée : 1h48
Année : 1962
Pays : France
Genre : Policier
Résumé : Adaptation du roman Le doulos (Pierre LESOU, 1957).
Fiche : IMDb
Partage déniché par Monde en Question
Avis de Monde en Question : Serge Reggiani porte l’uniforme Jean-Pierre Melville dans le travelling du générique qui montre aussi le népotisme de la profession, déjà présent en 1962 et pire aujourd’hui [02’30].
Autant le jeu réservé de Serge Reggiani est juste autant celui d’un Jean-Paul Belmondo qui roule les mécaniques sonne faux. Mais qu’importe car l’histoire de truands qui collaborent avec la police et s’entretuent pour d’obscures raisons est moins que passionnante. Le dialogue, trop long et peu crédible, entre le commissaire Clain et le doulos plombe définitivement cette adaptation poussive [40’35-48’45].

Jean-Pierre Melville, avant de s’émerveiller du plan bavard de 9 minutes 38, convient à sa manière que l’histoire est filandreuse :

Le doulos est un film très compliqué, très difficile à comprendre, car j’ai retourné deux fois les situations qui étaient dans le roman.
Rui NOGUEIRA, Le cinéma selon Jean-Pierre Melville, 2021 [Texte en ligne].

Comme à l’accoutumée, les critiques parlent de beaucoup de choses et de beaucoup de films, passés et futurs du réalisateur ou d’autres réalisateurs, mais sans rien dire de précis sur celui-ci. Alexandre Clément ressasse trois fois le cliché de l’amitié virile puis se lance dans une analyse tirée par les cheveux :

Dans aucun de ses films noirs on ne trouvera ce point lumineux flottant au-dessus de la tête des protagonistes. Je me suis demandé si c’était un fait exprès, sachant que Melville se revendiquait d’un athéisme radical, et que ce point lumineux au fond représente une conscience presque religieuse.
Alexandre Clément

Avis de : Alexandre ClémentaVoir-aLireDVD ClassikSens Critique

Lire aussi :
Pierre LESOU, Le doulos, 1957 [Texte en ligne].
Cinémathèque, Ciné Monde.
Articles Cinéma asiatique, Chine en Question.
Articles Cinéma occidental, Monde en Question.
Dossier Cinéma France, Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
Revue de presse, Monde en Question.

La confession (2016)


Titre : La confession
Réalisateur : Nicolas Boukhrief
Acteurs : Romain Duris, Marine Vacth, Anne Le Ny
Durée : 1h56
Année : 2016
Pays : France
Genre : Drame
Résumé : Adaptation du roman Léon Morin, prêtre (Béatrix BECK, 1952).
Fiche : IMDb
Partage déniché par Monde en Question
Avis de Monde en Question : Contrairement à la réalité du roman, il a beaucoup de graffitis de résistants (ceux d’après la guerre certainement) [16’02] [1] alors que la collaboration était le règle et pas seulement au lit [35’34] mais aussi par le biais des lettres anonymes de dénonciation [36’50].
La scène du confessionnal est réussie car le prêtre reste dans l’ombre. Il semble donc parler en voix off, procédé qui crée une distance physique et idéologique entre les protagonistes. Barny confesse qu’elle se masturbe, mais pas qu’elle aime aussi les femmes [21’26] ce qu’on se découvrira plus tard dans le registre pudique [40’21] et ce qu’elle avouera sur le ton de la provocation [41’38] [2]. Le rapprochement charnelle a lieu rapidement, mais comme par accident (hasard ou nécessité ?) [30’10].
La musique extradiégétique, qui lie plusieurs scènes muettes, me semble pour une fois adéquate car elle accompagne en douceur la réflexion intérieure suscitée par la lecture [30’30].
Je ne sais pas comment Béatrix Beck représentait dieu dans le graphique de Léon Morin, mais le cercle de Jean-Pierre Melville semble plus conforme à la tradition que le carré de Nicolas Boukhrief [43’45]. Par contre, la plage de silence, légèrement soulignée par la musique extradiégétique, renforce le discours sur l’infini attribué à dieu [44’39-45’06] car elle se laisse piéger par les mots. Oui, je dois avouer que Nicolas Errèra est un magicien. Quelques notes de piano suffisent à créer une ambiance très particulière liant le passé et le présent [53’44].
La récitation de la lettre aux Corinthiens se base sur la traduction dite œcuménique de 1988 qui a un phrasé original que Romain Duris rate par des effets trop appuyés [59’04]. Elle est naturellement plus destinée à Barny qu’aux morts, fusillés en représailles.
Sa conversion bien qu’attendue passe mal car, le suspense disparaissant, on se demande comment tenir quarante-cinq minutes de plus.
Tout se délite rapidement. Le cadre de l’entretien s’inscrit dans un rectangle trop scolaire [1h06], l’arrivée du prêtre alors qu’un soldat tente de forcer Barny est trop inopinée [1h12] et la scène au lit trop convenue [1h17]. Le film s’enlise dans la propagande biblique digne de la France catho-laïque et non athée [1h20]. J’abandonne ce film sponsorisé par des institutions.
Avis de : Sens Critique

Lire aussi :
Béatrix BECK, Léon Morin, prêtre, 1952 [Extrait en ligne].
Cinémathèque, Ciné Monde.
Articles Cinéma asiatique, Chine en Question.
Articles Cinéma occidental, Monde en Question.
Dossier Cinéma France, Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
Revue de presse, Monde en Question.


Notes et références


[1] La peur des Allemands, l’accommodement et la lâcheté des uns et des autres, les bombardements et les fusillades d’otages, tout cela, qui faisait le malheur de tous les jours, est peint sans sérénité, comme on pense, mais non sans une cruelle ironie à l’égard des victimes mêmes de ce monde fou.
Léon Morin, prêtre, de Béatrix Beck l’athéisme intranquille, Le Monde, 1952.

Je m’étonnais que le fait de prendre tel tram pût constituer contre les Juifs un grief. Mais cette forme de propagande réussit. Ceux pour qui le mot  » juifs » n’avait eu jusqu’alors qu’un sens confus, teinté de grivoiserie à cause de la circoncision, commencèrent à se méfier de ces gens qu’ils découvraient n’être plus leurs compatriotes. L’anti- sémitisme français restait cependant compatissant
Qu’on leur prenne ce qu’ils ont et qu’on les mettent dans des camps, disaient mes collègues. Mais qu’on ne les tue pas.
Béatrix BECK, Léon Morin, prêtre, 1952 p.11 [Extrait en ligne].


[2] Avec Léon Morin, prêtre, son entrée dans les lettres avait été percutante. Avec un cran astucieux, transposant à peine, elle se profilait en une dénommée Barny, veuve de guerre en deuil d’un mari communiste qui se confessait par provocation païenne, avouant une passion homosexuelle sécrétée à l’obsession pour une collègue de bureau. Cependant, au contact du jeune prêtre, ébranlée et touchée par son naturel désarmant, elle allait délaisser cet athéisme de provocation pour décider – agenouillée sur la dalle froide de l’église – de vivre « pure ».
Béatrix Beck : Mutine et mâtinée, Revue Les libraires, 2014.

Léon Morin prêtre (1961)


Cycle Jean-Pierre MELVILLE (réalisateur)

 

Titre : Léon Morin prêtre
Réalisateur : Jean-Pierre Melville
Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Emmanuelle Riva, Irene Tunc
Durée : 1h44
Année : 1961
Pays : France
Genre : Drame
Résumé : Adaptation du roman Léon Morin, prêtre (Béatrix BECK, 1952).
Fiche : IMDb
Partage déniché par Monde en Question
Avis de Monde en Question : Pourquoi la musique extradiégétique est-elle toujours très présente et même beaucoup trop ? Jean-Pierre Melville n’en parle qu’une fois dans ses entretiens avec Rui Nogueira. Après celle trop appuyée qui accompagne l’entrée des soldats allemands [07’54], les quelques notes du chant des partisans font doublon avec le commentaire en voix off qui a précédé [12’12].
La scène de la confession est trop longue, trop verbeuse et les champs-contrechamps lassants [14’36-19’45].
Le piano extradiégétique anticipe la lourdeur du discours du prêtre, mais n’arrive pas à le faire oublier [27’47]. Il s’arrête quand la conversation change de ton [28’46]. Puis une autre musique extradiégétique essaie de retenir l’attention du spectateur qui baille d’ennui [30’58].

J’ai fait une pause pour lire les critiques d’un film qui me sort par les yeux. Jean-Pierre Melville n’en dit rien d’intéressant sinon cette remarque absurde car il prétend ne pas avoir tourné une scène pour la réaliser dans un autre film… huit plus tard :

Je n’ai pas tourné la scène où Barny, en pantalon, essaye de séduire Léon Morin, en soutane. Je n’ai pas voulu abîmer le panoramique vertical de L’armée des ombres qui nous montre une fille en pantalon en train d’embrasser un soldat écossais en jupe. Il fallait choisir.
Rui NOGUEIRA, Le cinéma selon Jean-Pierre Melville, 2021 [Texte en ligne].

Josué Morel disserte sur une virgule qui est absente :

Dans le titre du septième long-métrage de Jean-Pierre Melville, c’est peut-être la virgule qui donne la clef du film.
Critikat

Olivier Bitoun invente la mise en scène d’un viol qui n’existe pas :

Un défilé de soldats allemands est mis en scène comme un viol de l’héroïne par une succession de plans de plus en plus rapprochés sur celle-ci [07’50- 09’05].
DVD Classik

Il n’est donc pas étonnant qu’il n’entende pas l’incongruité de la musique extradiégétique :

On pourrait couper le son que l’on saisirait sans peine l’histoire et tous ses sous-textes. Melville n’en oublie cependant pas le son et entre les idées de mise en scène sonore et la finesse des placements musicaux, notre oreille est constamment invoquée.
même source

J’ai fait l’expérience de voir les scènes du confessionnal [14’36-19’45] et du discours théologique [22’24-25’20 et 25’59-31’20-31’42] en coupant le son. Il saute alors aux yeux que la position des protagonistes ne tient pas car, sans le grillage, Emmanuel Riva semble assise très près de Jean-Paul Belmondo [15’56]. Les images qui illustrent les deux discours ne disent rien naturellement, mais deux gros plans insistent lourdement sur un détail vestimentaire sans importance [22’34 et 26’48]. Pire encore, l’évolution des personnages dans la pièce surcharge l’artificialité de la situation : une femme seule qui va papoter le soir après 20h30 dans l’appartement d’un prêtre.
Le déguisement d’Emmanuel Riva en Jean-Pierre Melville achève de plomber cette adaptation [43’06] que la photographie d’Henri Decae ne sauve pas du désastre.
Le roman contient trop de thèmes pour ce réalisateur : l’homosexualité féminine [1], la séduction érotique entre une femme libre et un prêtre, la guerre avec l’occupation des troupes italiennes puis allemandes [2] et la frontière poreuse entre la non croyance et la croyance religieuse.
Avis de : aVoir-aLireCritikatDVD ClassikSens Critique

Lire aussi :
Béatrix BECK, Léon Morin, prêtre, 1952 [Extrait en ligne].
Cinéma pour les ondes – Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville, d’après le roman de Béatrix Beck (1ère diffusion Paris Inter, 03/10/1961), France Culturemp3
Une oreille attentive remarquera que le présentateur de la rediffusion se plante en évoquant la mémoire radiophonique du film de Jean-Pierre Mocky au lieu Jean-Pierre Melville orthographié Mellville [00’59].
Cinémathèque, Ciné Monde.
Articles Cinéma asiatique, Chine en Question.
Articles Cinéma occidental, Monde en Question.
Dossier Cinéma France, Monde en Question.
Index Cinéma (Tous les dossiers), Monde en Question.
Veille informationnelle Cinéma, Monde en Question.
Revue de presse, Monde en Question.


Notes et références


[1] Avec Léon Morin, prêtre, son entrée dans les lettres avait été percutante. Avec un cran astucieux, transposant à peine, elle se profilait en une dénommée Barny, veuve de guerre en deuil d’un mari communiste qui se confessait par provocation païenne, avouant une passion homosexuelle sécrétée à l’obsession pour une collègue de bureau. Cependant, au contact du jeune prêtre, ébranlée et touchée par son naturel désarmant, elle allait délaisser cet athéisme de provocation pour décider – agenouillée sur la dalle froide de l’église – de vivre « pure ».
Béatrix Beck : Mutine et mâtinée, Revue Les libraires, 2014.


[2] Les Italiens ayant remplacé les Allemands dans l’occupation de la petite ville, un enfant qui riait sur leur passage est abattu.
Léon Morin, prêtre, de Béatrix Beck l’athéisme intranquille, Le Monde, 1952.
L’article du l’im-Monde est faux (déjà) car le premier chapitre contient une autre chronologie :
Le lendemain, j’appris que les troubadours de la pénombre étaient des soldats italiens venus occuper notre ville. (p.8)
La presse nous informa que notre ville allait être occupée aussi par les Allemands. (p.9)
Béatrix BECK, Léon Morin, prêtre, 1952 [Extrait en ligne].