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Les briques des BRICS


 

L’alliance des BRICS ne se contente pas de tenir, en dépit des oiseaux de mauvais augure, elle se renforce. En plus de la coopération économique, les cinq pays émergents collaborent en effet de plus en plus sur le plan politique. De plus, un élargissement de l’alliance se dessine, au profit des partisans de la multipolarité.

Malgré toutes les « réserves » émises par nombre d’experts, principalement occidentaux, sur la capacité de l’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à subsister sur le long terme, ladite union continue à se renforcer et même peut-être bientôt à s’élargir. En effet, il suffit de lire ou de relire différentes analyses écrites au cours des dernières années pour se rendre compte à quel point leurs auteurs s’étaient trompés. Beaucoup d’entre eux considéraient l’alliance des BRICS comme une union de quelques années, qui allait se dissoudre d’elle-même tant « les pays membres sont différents sur le plan culturel et des réalités politiques ». Pourtant et justement, les pays membres ont fait de cette différence l’un de leurs principaux atouts, en donnant au passage une valorisation supplémentaire à l’idée même de la multipolarité.

Aujourd’hui et vu que les BRICS n’ont toujours pas pu être brisés par leurs adversaires, l’alliance est désormais accusée par certains économistes occidentaux d’être devenue une organisation non seulement économique de puissances émergentes, mais aussi une structure politique qui conteste activement la domination de l’Occident. Question: pourquoi ces prétendus experts ont-ils pensé que les pays des BRICS se limiteraient au volet économique de leur relation, au moment où le monde multipolaire a plus que jamais besoin d’en finir avec les vestiges de l’unipolarité?
Il suffit d’ailleurs de relire nos analyses passées en ce sens pour se rendre compte que les BRICS étaient justement destinés à devenir plus qu’une union économique, à l’instar d’autres structures comme l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Le lancement de la banque des BRICS, la Nouvelle banque de développement (NDB BRICS), avec son siège principal à Shanghai et son siège régional à Johannesburg, a confirmé l’ambition, déjà annoncée de devenir une véritable alternative au G7, au FMI et à la Banque mondiale. Son objectif, entre autres, sera de financer des projets dans les pays en voie de développement. Une réalité qui est loin de plaire à nombre de partisans de l’unipolarité, mais qu’il sera aujourd’hui difficile de stopper.

L’autre fait qui déplaît beaucoup aux élites occidentales (et qui confirment nos prévisions), c’est que justement au-delà de la collaboration économique, on observe la solidarité politique et géopolitique de l’alliance. En effet, et sur plusieurs dossiers, les cinq pays de l’alliance ont montré leur solidarité et leur approche commune. Ce fut le cas lors du soutien affiché à la Russie par les quatre autres pays BRICS sur le dossier syrien. Un soutien qui s’est également traduit dans l’opposition aux sanctions occidentales contre la Russie. De son côté, la Chine, a également pu bénéficier du soutien déclaré de ses partenaires, en premier lieu de la Russie, sur des dossiers comme la situation en mer de Chine méridionale, zone dans laquelle elle fait face aux tensions avec les E.U.

Parlons maintenant de l’élargissement. Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, dont le pays présidera l’alliance des BRICS à partir du mois de septembre, a déclaré « plaider pour que d’autres pays rejoignent cette union, et que celle-ci satisfasse les besoins de tous les pays-membres ». À ce titre, on parle déjà de l’acronyme BRICS+, avec la possibilité de participation d’une dizaine d’autres pays aux travaux des cinq pays fondateurs. L’Iran, la Turquie, le Mexique, l’Indonésie, le Vietnam, les Philippines, le Pakistan, le Nigeria, le Bangladesh ou encore la Corée sont mentionnés. Si la possibilité de rejoindre l’union pour certains de ces pays prendrait encore du temps, dans le cas de l’Iran, de la Turquie ou de l’Indonésie, les perspectives sont tout à fait réelles.

Les BRICS, dans l’état actuel de l’alliance, représentent déjà à eux seuls près de la moitié de la population mondiale, 26 % de la surface terrestre et environ 35 % du PIB mondial, un pourcentage qui ne cesse en passant de monter. L’alliance pèse déjà de son poids au sein du G20, de l’aveu même des observateurs occidentaux. Qu’ils s’y habituent, car les BRICS représentent en effet l’une des principales voix du monde multipolaire. Une chose est également certaine: plus les BRICS, tout comme l’OCS, continueront de s’affirmer, plus certains comprendront une bonne fois pour toutes ce que représente véritablement la notion de communauté internationale.

15/03/2017
Mikhail GAMANDIY-EGOROV
Sputnik

Lire aussi : BRICS, Monde en Question (revue de presse) – Site.

La "belle-sœur" dévoilée interdite


Rue69 nous raconte, en partenariat avec Aujourd’hui l’Inde, les mésaventures de la bande dessinée en ligne Savita Bhabhi interdite en Inde.

Savita Bhabhi est un savant mélange de traditions et de valeurs transgressées. Le personnage principal est une femme mariée. Elle porte le sari (habit traditionnel), le sindur (petit trait vermillon à la racine des cheveux qui est le signe des femmes mariées), le bindi (point rouge entre les yeux) et le mangalsutra (pendentif en or qui est l’équivalent de l’alliance). Son mari est souvent absent alors, pour tromper l’ennui, elle couche avec des hommes de passage. Et pour cette Bhabhi (qui signifie « belle-sœur »), rien n’est tabou, même pas l’inceste.

Une page de ce feuilleton explosif est publiée chaque jour et traduite dans les neuf langues nationales. C’est un énorme succès sur le Net : 30 000 personnes se sont déjà abonnées aux aventures de la belle-sœur indienne, qui attire particulièrement les jeunes de la classe moyenne, moins puritains semble-t-il, que leurs aînés.

Un succès qui n’est pas du goût des puritains car le ministère des Technologies et de l’information a interdit le site le 30 juin dernier et en a bloqué l’accès à partir de l’Inde. Sans procès ni explication.

Commentaires de Renuka Renuka Singh, sociologue de l’université de Jawaharlal Nehru de New Delhi :

Utiliser une Bhabhi comme personnage principal est très provocant. En même temps, ce choix force les gens à se poser des questions sur les apparences. Plus de 70 % des Indiens sont encore aujourd’hui très attachés aux traditions. Mais l’image qu’ils donnent n’est pas toujours représentative de leur façon de vivre… Vous pouvez porter le sari et avoir une image classique, tout en ayant une vie sexuelle très active, voire libertine. Et c’est ce que Savita Bhabhi illustre d’une certaine façon. Ce qui se passe derrière les portes closes est très différent des apparences sociales. Les gens le savent bien, et ils l’ont toujours su, mais n’en parlent pas. Et je ne pense pas que notre société soit prête pour cela. Même si la jeune génération est un peu plus directe, parler de sexe ouvertement reste tabou.

Savita Bhabhi est une bande dessinée. C’est une histoire inventée, racontée au travers de dessins. En cela, elle ne viole pas notre réalité culturelle. Mettre en scène des personnages en chair et en os serait bien plus agressif pour nos traditions. Mais d’un autre côté, bien qu’il ne s’agisse « que » d’une bande dessinée, elle peut quand même avoir des conséquences négatives sur les valeurs traditionnelles indiennes. La confiance est très importante dans notre société. Les couples sont fondés sur cette confiance. En faisant le portrait d’une femme mariée qui couche avec tout le monde, Savita Bhabhi pourrait briser cette confiance. En outre, elle enseigne aux hommes une fausse idée en leur faisant croire que ce n’est pas grave de réduire la femme à un objet sexuel.

Commentaires de Arnab Das, producteur pour une chaîne d’information indienne :

C’est la première fois que nous voyons des bandes dessinées pornographiques en Inde. Le sexe n’est plus un sujet tabou ici. Le câble, les DVD et Internet ont rendu le porno facile d’accès à tous. « Savita Bhabhi » désigne la femme du frère aîné. Le choix du personnage est judicieux car beaucoup de pornos indiens exploitent le sujet de l’inceste et de plus en plus de sites web X utilisent ce personnage de bhabhi comme icône. Difficile d’expliquer pourquoi. Les psychologues s’insurgent contre la prolifération de ce genre de sites. Ils expliquent qu’un tel portrait de la bhabhi pourrait avoir un impact négatif sur la façon dont les hommes indiens conçoivent les valeurs familiales. C’est peut-être vrai, mais seulement jusqu’à un certain point.

Je ne pense pas que ce genre de littérature porno engendre un changement majeur de nos mentalités. L’inceste est un sujet aussi commun en Inde qu’il peut l’être dans le reste du monde. Il suffit de se souvenir de Kay Parker, grande star porno des années 80 réputée pour ses rôles incestueux, ou encore d’aller surfer sur les sites pornos du reste du monde pour se rendre compte que l’inceste fait parti du deal. Je n’essaie pas de justifier l’inceste, mais ce sont des faits. En ce qui me concerne, je ne suis pas choqué par cette bande dessinée. Chacun a le droit d’être excité par ce qu’il veut. La morale est une notion personnelle. Cependant, d’un point de vue juridique, les auteurs risquent d’être inculpés pour distribution de pornographie. Les lois indiennes sur Internet sont de plus en plus strictes.

Lire aussi :
• Sexe en Chine, Aujourd’hui la Chine
• Sexe en Corée, Aujourd’hui la Corée
• Sexe en Inde, Aujourd’hui l’Inde
• Sexe en Japon, Aujourd’hui le Japon

Inde-États-Unis-Pakistan (6)


Le ton monte entre le Pakistan et l’Inde, où les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d’extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre le Pakistan. La carte majeure du gouvernement pakistanais, malgré sa faiblesse [1], est son alliance avec les États-Unis dans sa « guerre contre le terrorisme ». Ainsi, les USA seront obligé de faire pression sur l’Inde pour ne pas perdre ses ambitions de victoire militaire contre l’Afghanistan.

Le Pakistan ne livrera pas à l’Inde les personnes arrêtées récemment dans l’enquête sur les attaques de Bombay mais les jugera lui-même si elles sont soupçonnées d’y avoir participé, a annoncé mardi le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi.
[…]
« Nous ne voulons pas la guerre mais nous sommes totalement prêts pour le cas où elle nous serait imposée », a averti M. Qureshi. « Nous sommes conscients de nos responsabilités pour défendre notre terre mais nous ne souhaitons pas la guerre », a-t-il insisté.
AFP – Yahoo! Actualités

Le Pakistan a assuré mardi qu’il ne livrerait à l’Inde aucun éventuel suspect dans les attaques de Bombay et qu’il les jugerait lui-même si nécessaire, mais s’est dit prêt à faire face à une nouvelle guerre si New Delhi décidait d’une action militaire, même ciblée.
[…]
L’Inde a remis une liste de suspects au Pakistan, son rival de toujours, et exige qu’il les lui livre, en menaçant à demi-mot de représailles dans le cas contraire.
[…]
La presse indienne bruisse depuis plusieurs jours de rumeurs de frappes indiennes ciblées sur des camps d’entraînement de combattants islamistes de l’autre côté de la frontière, si les forces pakistanaises n’agissent pas elles-mêmes.
[…]
Aujourd’hui, la situation est encore plus dramatique et ni les États-Unis, ni l’Inde, ni le Pakistan ne peuvent se payer le luxe d’une guerre, estiment unanimement les experts de la région, les diplomates, mais aussi de hauts responsables pakistanais.
[…]
Or le Pakistan a averti qu’un simple mouvement de troupes indiennes vers la frontière impliquerait automatiquement le retrait de son armée des zones tribales pour un redéploiement à la frontière indo-pakistanaise. Ce que les États-Unis, empêtrés dans les combats contre l’insurrection des talibans qui gagne en intensité en Afghanistan, verraient évidemment d’un mauvais oeil.
AFP – Yahoo! Actualités.
AP – Yahoo! Actualités.

L’OTAN prétend ne pas être affecté par la répétition des attaques de convois militaires, mais dissimule les coûts de l’alternative du transport par voie aérienne.

L’Isaf sous commandement Otan peut aussi compter sur l’acheminement de matériel par la voie aérienne, en attendant la conclusion d’accords de transit ferroviaire pour le matériel non létal négociés avec les Républiques d’Asie centrale pour compléter celui déjà conclu cette année avec la Russie.
AFP – Yahoo! Actualités


[1] Les attentats qui ont visé Bombay fin novembre ont plongé le pays dans le désarroi. Car le pouvoir n’a pas les moyens de lutter efficacement contre le terrorisme.

[…]

Le gouvernement a beau se méfier des groupes terroristes, la droite et les militaires pakistanais semblent aujourd’hui plus puissants que lui, alors qu’il souhaite débarrasser le pays de ses éléments terroristes et rechercher un compromis de paix acceptable avec l’Inde. Mais ce que les gens doivent comprendre par-dessus tout, c’est qu’Islamabad aura du mal à combattre les menaces intérieures si les pressions extérieures deviennent trop fortes. L’accroissement des divergences entre pouvoirs politique et militaire au Pakistan ne pourra qu’aggraver les tensions dans la région. Les armées pakistanaise et indienne ne penseront qu’à une réponse militaire face à la menace terroriste actuelle. Un tel scénario augmenterait le risque d’une confrontation armée, peut-être nucléaire, entre les deux pays, et constituerait donc plus un danger qu’une réponse adéquate.

Courrier international.

Commentaires : Le Courrier international détaille les « groupes terroristes, la droite et les militaires pakistanais », mais ne dit rien des mêmes forces réactionnaires en Inde. Ce média entretient le mythe de « la plus grande démocratie du monde » où les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d’extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre le Pakistan. Les deux pays ont hérité des pratiques du colonialisme britannique…

Inde-États-Unis-Pakistan (5)


La propagande suit son cours :

• Guysen, l’agence de presse israélienne bien informée par les USA publie cette dépêche : Les terroristes de Mumbai, en Inde, ont utilisé le sol pakistanais afin de préparer leurs attaques, a déclaré dimanche la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice.
Commentaires : Depuis le premier jour, on connaît les sources américaines des accusations des autorités indiennes contre le Pakistan.

Le Figaro titre son reportage « Les talibans sèment la peur dans Peshawar ».
Commentaires : Le Figaro évoque l’attaque des convois militaires de l’OTAN attribuée à des Tâlebân qu’il qualifie d' »acte terroriste » comme les autorités allemandes le faisaient pour désigner les actes de résistance contre l’occupant.

RFI titre « Peshawar : capitale mondiale du terrorisme ».
Commentaires : Il s’agit d’une reprise plus spectaculaire de l’article du Figaro.

Le Monde titre « La galaxie djihadiste pakistanaise à l’épreuve de Bombay ».
Commentaires : Le titre est destiné à amplifier la peur. Après les expressions comme « le monde arabo-musulman », la propagande nous sert le plat plus épicé de « la galaxie djihadiste ». Le contenu du reportage contient d’autres formules chocs comme la « force de frappe médicale » pour désigner l’efficacité des services médicaux du Jamaat-ud-Dawa lors des séismes du Cachemire en 2005.


Des militants du mouvement de droite Hindu Shiv Sena clament des slogans anti-Pakistan et brûlent un mannequin à l’effigie d’un membre du Lashkar-e-Taiba le 8 décembre 2008 à Amritsar
Source : AFP

La préparation de la guerre contre le Pakistan se poursuit :

• Les activistes des partis religieux, des partis nationalistes de droite et d’extrême-droite et le gouvernement indien lui-même attisent la haine contre les musulmans en général et contre les Pakistanais en particulier.

• Les USA, qui veulent leur victoire en Afghanistan [1] à tout prix, manipulent les uns et les autres – la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, le directeur du renseignement Mike McConnell et le chef d’état-major interarmées Michael Mullen ne sont pas venus dans la région pour cueillir des fleurs.

• La chasse au cerveau est ouverte. Elle rappelle étrangement celle organisée pour traquer Ben Laden et Mohammad Omar, qui courent toujours…

La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, assurait qu’Islamabad était conscient de sa responsabilité pour agir contre ses groupes « terroristes ».
[…]
New Delhi et son nouvel allié américain imputent les attaques coordonnées de Bombay au LeT, l’un des mouvements armés fondamentalistes pakistanais qui assurent lutter contre l' »occupation » indienne du Cachemire et contre les « persécutions » dont seraient victimes les 150 millions de musulmans en Inde.
[…]
Des responsables militaires et de l’antiterrorisme américains, cités lundi par le New York Times, admettent que le LeT est plus puissant que ce qu’ils pensaient. Mais ils ne croient pas à l’implication des services secrets.
[…]
New Delhi accuse quasi-systématiquement le Pakistan à chaque attentat sur son territoire, en particulier les services de renseignements pakistanais qui, selon New Delhi, soutiennent et utilisent les nombreux groupes islamistes qui s’attaquent à l’Inde.
[…]
Dimanche, le ministre indien des Affaires étrangères Pranab Mukherjee a encore fustigé le Pakistan, sur fond de rumeurs relayées par Islamabad d’une éventuelle frappe militaire de représailles menée par New Delhi. Le président élu américain Barack Obama a reconnu dimanche « le droit d’un pays attaqué à se défendre », sans aller jusqu’à reconnaître à l’Inde le droit de poursuivre le LeT au Pakistan. 

AFP – Yahoo! Actualités et AFP – Yahoo! Actualités.


Des camions de l’Otan calcinés à Peshawar après une attaque d’insurgés le 8 décembre 2008
Source : AFP

Pendant ce temps, une centaine de véhicules de l’Otan ont été incendié apparemment dans un autre dépôt près de Peshawar. Le traitement médiatique de cette attaque diffère :

• hier, on parlait d’une « attaque audacieuse et spectaculaire » menée par « 250 talibans » pour incendier « 200 camions et d’autres véhicules » 

• aujourd’hui, on d’une « attaque » parle menée par « 200 hommes armés » pour incendier « une centaine de véhicules, dont 50 camions »

AFP – Yahoo! Actualités.

 


[1] Lire aussi : La guerre américaine : escalade de l’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan, Monde en Question.

Inde-États-Unis-Pakistan (4)


Les médias dominants se délectent de lieux communs, construits pour provoquer une peur réflexe : « talibans, islamistes, djihadistes… terrorisme ». A partir de la même dépêche d’agence, qui contient des informations souvent contradictoires, ils tissent un récit cohérent, trop cohérent pour être honnête. Mais le plus souvent, ils se contentent de réaliser un un simple copier-coller du contenu accompagné d’un titre et/ou d’une image choc [1].

Un autre lieu commun est l’expression « zones tribales » (« un repaire pour des groupes de talibans et combattants du réseau islamiste Al-Qaïda ») pour désigner une région que le Pakistan contrôle mal.


Environ 250 combattants ont attaqué deux dépôts de l’Otan près de Peshawar au Pakistan le 7 décembre 2008
Source : RFI

La dépêche AFP titre « Pakistan : 200 talibans attaquent un terminal d’approvisionnement de l’Otan », puis indique « Les insurgés armés, présentés comme étant des talibans » sans préciser qui présentent « les insurgés armés » « comme étant des talibans ». En l’espèce, il s’agit de combattants contre l’occupation de l’Afghanistan par des troupes de l’OTAN sous commandement américain.

On apprend par la même occasion combien les troupes de l’OTAN sont dépendantes de l’armée pakistanaise pour assurer la sécurité des convois qui transitent par son territoire vers l’Afghanistan. Nul doute que cela a un coût politique qui fait l’objet des tractations en cours entre l’amiral Michael Mullen, chef d’état-major interarmées américain, et les dirigeants de l’Inde et du Pakistan [2].

Non seulement le parti religieux Akali Dal, mais aussi le parti nationaliste BJP allié au parti d’extrême-doite Shiv Sena et le gouvernement lui-même attisent la haine contre les Pakistanais et contre les musulmans. De plus, Barack Obama a reconnu « le droit d’un pays attaqué à se défendre » [3]. Ces pressions sur les autorités pakistanaises font parti du « grand jeu » des États-Unis pour gagner la guerre en Afghanistan au risque de déstabiliser cette région [4]


[1] Exemple :
AFP – Yahoo! Actualités.
20 minutes.
Le Monde.
Il est facile de réaliser ce travail comparatif grâce à un agrégateur de flux RSS. A défaut, on peut comparer les dépêches d’agences de presse (AP, Reuters, AFP) publiées par Yahoo! Actualités et les articles publiés par les médias dominants via Alvinet Actualité.
[2] Un blog de Libération met en perspective cet événement :

75% du ravitaillement des 70.000 militaires occidentaux présents en Afghanistan passent par le Pakistan. Les containers et le matériel militaire débarquent à Karachi puis prennent la route vers le nord. Il n’existe que deux axes : au sud via la ville de Quetta vers Kandahar – une zone très dangereuse. Vers le nord, via Peshawar puis le col de Khyber (35 kilomètres de route de montagne, qu’il ne faut traverser que de jour et sous bonne garde). Avant cette dernière étape, les camions de ravitaillement, la plupart du temps affretés par des compagnies privées – s’arrête dans la base logistique Al-Faisal.
Cette attaque témoigne de la volonté des insurgés (talibans, djihadistes ou islamistes) de s’en prendre à la logistique de l’opération militaire occidentale. En terme militaire, il s’agit d’une très bonne stratégie (couper le ravitaillement) contre laquelle la coalition risque fort de se trouver désarmée puisqu’elle ne peut pas intervenir sur le territoire pakistanais.
Si la route du Pakistan devient de plus en plus dangereuse, quelles seraient les autres solutions : l’Iran est évidemment impossible. Outre la voie aérienne, horriblement couteuse, reste celle du nord, par les ex-républiques soviétiques. Donc au final, avec l’accord de la Russie – qu’il faudra alors ménager.
Afghanistan : les insurgés s’en prennent aux convois de ravitaillement au Pakistan, Secret Défense.

[3] AFP – Yahoo! Actualités.
[4] Les troupes de l’OTAN sous commandement américain font la guerre en Afghanistan sous le couvert du FIAS – Force internationale d’assistance à la sécurité, qui légitime les crimes de guerre contre la population civile en parlant de simples « bavures » ou « dégâts collatéraux ».

Inde-Russie-États-Unis-Chine-Pakistan (3)


Après l’attentat au Pakistan qui a fait au moins 22 morts et plus de 70 blessés et serait attribué à des groupes afghans [1], un tir de missile américain dans la même région a fait trois morts [AP – Yahoo! Actualités]

La Chine joue la carte du dialogue entre l’Inde et le Pakistan :

La Chine a appelé jeudi à plus de dialogue et de coopération entre l’Inde et le Pakistan dans le but de sauvegarder ensemble la paix et la stabilité en Asie.
Le porte-parole du ministère des A.E. Liu Jianchao a fait cette remarque en réponse à une question concernant l’attaque terroriste la semaine dernière à Bombay, le centre financier de l’Inde.
Xinhua – Le Quotidien du peuple.

La Russie privilégie le langage de la lutte antiterroriste :

« L’Inde et la Russie comprennent qu’elles doivent conjuguer leurs efforts pour combattre le terrorisme. Et les membres de la communauté internationale doivent aussi agir de concert pour vaincre le terrorisme. C’est très important », a pour sa part déclaré la présidente Patil.
RIA Novosti.

Mais, derrière le langage diplomatique, la Chine et la Russie n’oublient pas leurs intérêts économiques et militaires :

Les forces militaires chinoises et indiennes feront un entraînement militaire anti-terrorisme conjoint du 6 au 14 décembre en Inde, a annoncé jeudi le ministère chinois de la Défense.
Xinhua – Le Quotidien du peuple.

Le président russe Dmitri Medvedev et le premier ministre indien Manmohan Singh ont passé vendredi en revue, en présence des délégations des deux pays, la coopération économique, en matière d’armements et l’exploration de l’Espace.
RIA Novosti.

L’agence russe d’exportation d’armements Rosoboronexport projette de signer vendredi un contrat prévoyant la livraison à l’Inde de 80 hélicoptères de transport militaire Mi-27, a annoncé aux journalistes le directeur de Rosoboronexport, Anatoli Issaïkine.
RIA Novosti.

D’autres alliances se nouent :

Le président afghan Hamid Karzaï, le Pakistanais Asif Ali Zardari et leur homologue turc Abdullah Gül se sont engagés à lutter ensemble contre le terrorisme lors d’un sommet tripartite organisé vendredi à Istanbul. Cette réunion était la deuxième du genre, sur le sol turc mais celle-ci semble avoir porté plus de fruits.
RFI.

La police indienne a découvert des explosifs dans un hôpital de Nagpur :

Nagpur, dans l’Etat de Maharashtra, est le siège d’un groupe nationaliste hindou, le Rashtrya Swayamsevak Sangh.
Reuters – Yahoo! Actualités.

Elle a aussi arrêtés deux hommes « soupçonnés d’avoir fourni des cartes SIM (de téléphones portables) aux terroristes des attaques de Bombay ».

Selon la police, les deux suspects se nomment « Tousif Rahaman et Sheikh Muktar ». Ce dernier serait originaire du Cachemire, région dont la partie indienne est en proie à une insurrection séparatiste islamiste contre la souveraineté de New Delhi.
AFP – Yahoo! Actualités.

Commentaires : Dire « insurrection séparatiste islamiste » relève de la propagande. La division du Cachemire est l’héritage de la politique coloniale des britanniques. Le Cachemire est en fait divisée en trois zones :
• à l’ouest et au nord, la zone revendiquée par le Pakistan depuis 1947 ;
• au sud, celle revendiquée par l’Inde depuis 1947 ;
• à l’est, celle conquise par la Chine en 1962 et, au nord, celle cédée par le Pakistan à la Chine en 1963.

Pour pimenter le scénario de cette telenovela :

Un policier, dans le Cachemire indien, a affirmé que l’homme, Mukhtar Ahmed, faisait partie d’un réseau de contre-espionnage semi-officiel dont les membres sont souvent d’anciens militants cachemiris.
AP – Yahoo! Actualités.

La Jornada (quotidien mexicain) a traduit l’article de Tariq Ali « L’assaut sur Mumbai« .


[1] La responsabilité de l’attaque n’a pas été revendiquée mais le chef des autorités provinciales, Haider Khan Hoti, a déclaré que des « forces extérieures » pourraient être derrière cet acte terroriste, un commentaire qui au Pakistan désigne l’Inde.
AP – Yahoo! Actualités.

Inde-États-Unis-Pakistan (2)


Alors que gouvernement indien est obligé de reconnaître « des défaillances dans la gestion de cette crise« , il instrumentalise ces attentats en allumant la mèche de nouveaux pogromes anti-mulsulmans [1].

Dès les premières heures, les autorités indiennes ont accusé le Pakistan d’être responsable des attentats de Bombay sans aucune preuve. Tardivement, les services de renseignements américains (CIA) auraient fourni les preuves de l’implication des services secrets pakistanais (ISI).

Les services secrets pakistanais auraient trempé dans les attentats de Bombay, selon les médias locaux. Le gouvernement détiendrait des preuves, fournies par les services de renseignements américains.
Guysen

Mais les explications du ministre de l’Intérieur restent plus que confuses car il parle de preuves, établies non au présent mais dans le passé.

« Les preuves abondent, montrant que la source de cette attaque terroriste est clairement liée à des organisations que l’on a, par le passé, identifiées comme étant derrière des attentats terroristes », a d’ailleurs déclaré à Bombay le ministre de l’Intérieur Palaniappan Chidambaram.
AFP – Yahoo! Actualités

Enfin, un attentat a fait au moins 16 morts au Pakistan et serait attribué à des groupes afghans. Ceci complique la compréhension d’une situation où sont enchevêtrés les intérêts de l’Inde, du Pakistan, de l’Afghanistan et des États-Unis sans compter la Russie et la Chine !

L’attentat a été commis dans l’un des marchés les plus fréquentés de cette ville de plus de 2,5 millions d’habitants, le bazar de Qisakhawani, non loin d’une mosquée chiite, a précisé un autre officier, sous couvert de l’anonymat.
Depuis juillet 2007, le Pakistan est confronté à une vague sans précédent d’attentats, suicide pour la grande majorité, perpétrés pour l’essentiel par des talibans pakistanais. Plus de 1.500 personnes ont été tuées dans tout le pays dans ces attentats en 16 mois.
AFP – Yahoo! Actualités

 


[1] Attaques de Bombay : l’Inde gronde, les soupçons sur le Pakistan s’alourdissent, AFP – Yahoo! Actualités.
Sur le massacre perpétré en 2002 au Gujarat, au cours duquel quelque 2000 musulmans avaient été tués, lire : Interview complète de Christophe Jaffrelot, Monde en Question.

Inde-États-Unis-Pakistan (1)


Alors que l’AFP titre « Les États-Unis et l’Inde font monter la pression sur le Pakistan », les médias dominants présentent une version angélique de Condoleezza Rice qui s’emploierait « à faire baisser la tension entre l’Inde et le Pakistan » et ne parlent presque pas du directeur du renseignement américain Mike McConnell ni du chef d’état-major interarmées Michael Mullen, qui ne sont pas venus en Inde pour cueillir des fleurs. Tout cela rappelle étrangement l’Irak de 2003…

[…] les États-Unis soutiennent l’Inde dans leur guerre contre le terrorisme […]. La visite de la secrétaire d’État américaine avait pour but de calmer les tensions entre l’Inde et le Pakistan.
RFI.
Commentaires : En clair, les États-Unis soutiennent l’Inde contre le Pakistan. 

Le directeur du renseignement américain Mike McConnell a lui aussi accusé le mouvement islamiste Lashkar-e-Taïba d’être derrière les attentats.
Venue rencontrer les responsables indiens à New Delhi, Mme Rice a appelé le Pakistan à répondre « rapidement et de manière transparente » à ces accusations.
Tout en refusant de « se précipiter pour tirer des conclusions et dire qui est responsable », Mme Rice a estimé que ces attentats rentraient dans la catégorie du « genre de terrorisme auquel participe Al-Qaïda ».
AFP – Yahoo! Actualités.
Commentaires : En clair, l’Inde et les États-Unis accusent le Pakistan en lui demandant d’apporter les preuves qu’ils n’ont pas !

Malgré les pressions américaines, le Pakistan garde un atout majeur dans cette partie de poker menteur : le redéploiement de ses troupes de la frontière afghane vers la frontière indienne. Du coup, Condoleezza Rice modère ses propos :

L’Inde et des responsables américains ont attribué le carnage de Bombay à des groupes basés au Pakistan, mais aucune accusation n’a été portée contre l’Etat pakistanais ou ses services de sécurité.
Faux ! Mais cette petite phrase marque un retrait stratégique face aux menaces à peine voilées de l’armée pakistanaise.
Des responsables militaires pakistanais ont laissé entendre qu’ils pourraient renoncer à leurs opérations contre les groupes islamistes et retirer leurs troupes de la frontière afghane, où elles combattent Al Qaïda et les taliban, pour les transférer sur la frontière indienne si les tensions s’aggravaient.
Reuters – Yahoo! Actualités

Dmitri Medvedev est arrivé en Inde pour vendre des armes dans le cadre de « la lutte contre le terrorisme » [RIA Novosti]. L’agence russe fait opportunément état d’un rapport du Congrès américain :

« Les Etats-Unis doivent travailler avec la Russie (et d’autres pays) pour promouvoir les mesures de confiance entre l’Inde et le Pakistan », lit-on dans le rapport. En raison de la profonde méfiance entre les deux gouvernements, l’Inde et le Pakistan sont impuissants à régler les problèmes de la sécurité nucléaire, dont des questions relatives au « commandement et à la direction des forces nucléaires », souligne le rapport.
« Si les Etats-Unis et la Russie, s’appuyant sur leur propre expérience acquise à l’époque de la guerre froide se mettent à la tête des efforts internationaux, cela pourrait aider l’Inde et le Pakistan à lancer la mise en oeuvre des mesures de renforcement de la confiance en vue de réduire les facteurs de déstabilisation qu’implique la future modernisation de leurs arsenaux nucléaire », soulignent les auteurs du rapport.
RIA Novosti

La Chine, plus discrète, participe néanmoins à « la lutte contre le terrorisme » en organisant un exercice militaire avec l’Inde :

Les forces militaires chinoises et indiennes feront un entraînement militaire anti-terrorisme conjoint du 6 au 14 décembre en Inde, a annoncé jeudi le ministère chinois de la Défense. 

Chacune des deux armées enverra une compagnie d’infanterie pour participer à ce programme dont le nom de code sera « main dans la main 2008 ». L’exercice aura lieu dans le district de Belgaum au sud de l’Inde, indique le porte-parole du ministère Huang Xueping.

Cet exercice militaire devrait renforcer la compréhension et la confiance des deux pays l’un envers l’autre, et améliorer le développement des relations entre les armées chinoise et indienne, a-t-il dit.

Xinhua.

Le bloc-notes de Jean-Marie Colombani est un exemple d’argumentaire pour préparer les esprits à la guerre contre le Pakistan :

[…] les attentats commis à Bombay […] ont réattiré l’attention sur l’épicentre de ce terrorisme, qui était et reste le Pakistan. […] l’origine avérée de l’un au moins des assaillants désigne un groupe pakistanais extrémiste, longtemps protégé par le célèbre ISI, les services secrets d’Islamabad.
[…] le Pakistan est travaillé par des forces qui sont ouvertement favorables à Al-Qaïda et aux talibans [1].
[…] le président George W. Bush a regretté d’avoir été induit en erreur par les services américains, qui l’avaient convaincu, a-t-il réaffirmé, de l’existence d’armes de destruction massive en Irak. «Je n’étais pas préparé à la guerre», a-t-il dit. Cela fut et restera son erreur stratégique majeure : avoir méconnu que la logistique, les protections d’Al-Qaïda étaient au Pakistan, pays allié des Etats-Unis, et non en Irak.
Challenges.
Commentaires : En clair, George W. Bush s’est trompé de guerre et aurait du attaquer le Pakistan en 2003 ! Barack Obama comblera cette lacune… 

 


[1] Voir : Le terrorisme, une arme de propagande (8), Monde en Question.

Le grand jeu asiatique


Afghanistan-Pakistan, le « juste champ de bataille » (B. Obama)

La bataille de Mumbai, quelle que soit la régie des attaques, prend place dans une dispute de grande ampleur conduite avec des outils politiques, économiques et militaires par plusieurs protagonistes : non seulement l’Inde et le Pakistan, mais les États-Unis, la Russie et la Chine. L’Asie centrale est le principal terrain de confrontation, aire d’énorme importance de par sa position géostratégique et pour le contrôle du pétrole de la Caspienne et des « corridors énergétiques ».

L’épicentre en est l’Afghanistan. C’est là que s’embourba pendant dix ans l’armée soviétique, alors que la CIA entraînait au Pakistan, par l’intermédiaire de l’ISI, plus de 100 mille moudjahidin pour la guerre en Afghanistan. Parmi eux se distingua Ossama Ben Laden, le riche saoudien qui apporta de gros financements et des milliers de combattants. Toujours au Pakistan fut entraînée et armée, avec le consensus de Washington, la milice taliban qui en 1996 conquit le pouvoir en Afghanistan. C’est là, en 2001, qu’arrivèrent les troupes étasuniennes, officiellement pour combattre les talibans et faire la chasse à Ben Laden. L’objectif stratégique est en réalité d’occuper un positon clé dans le nouveau scénario créé en Asie par la désagrégation de l’URSS et par l’émergence des puissances chinoise et indienne. « La possibilité existe qu’émerge dans la région un rival militaire avec une formidable base de ressources », prévenait un document publié par le Pentagone une semaine avant l’invasion de l’Afghanistan. Cet objectif stratégique a été confirmé par le président élu Barack Obama qui a annoncé vouloir « sortir d’Irak » et « passer au juste champ de bataille en Afghanistan et au Pakistan ». Le Pakistan est ainsi lui aussi considéré comme champ de bataille ; un Pakistan qui est considéré à Washington comme un allié pas très fiable, dont les services secrets ont été suspectés d’avoir des liens avec les talibans. Quand, en janvier 2008, les USA ont demandé au président Musharraf de leur laisser les mains libres dans les zones de frontière avec l’Afghanistan, ils reçurent une fin de non recevoir. Et, à cause de la forte opposition intérieure, le président actuel Zardari semble aussi être réticent.

Ce qui rend la situation plus complexe encore est le choix de Washington de privilégier ses relations avec l’Inde, pour empêcher son rapprochement avec la Russie et la Chine. C’est dans ce cadre qu’entre l’accord, ratifié le 2 octobre par le Sénat, par lequel les États-Unis « légalisent » le nucléaire de l’Inde, qui n’a jamais adhéré au Traité de Non Prolifération, en lui permettant de garder huit réacteurs nucléaires militaires hors de tout contrôle international et en lui fournissant des technologies à double usage, civil et nucléaire. Ceci pousse le Pakistan, qui n’a jamais adhéré au TNP, à accélérer ses programmes nucléaires militaires. Avec comme résultat le fait que les deux pays alignent déjà au total environ 110 ogives nucléaires et sont en mesure d’en fabriquer beaucoup plus.

Sur ce terrain, en concurrence avec les USA, la Russie et la Chine entrent en jeu. En septembre a été confirmé que la Russie fournira à l’Inde un porte-avions avec 16 Mig-29 ; en même temps, la joint-venture russo-indienne BrahMos Aerospace a annoncé qu’elle augmentera sa production de missiles de croisière supersoniques lancés par avions, pouvant être armés de têtes aussi bien conventionnelles que nucléaires. La Chine est par contre en train d’établir des relations particulièrement étroites avec le Pakistan. Le 18 octobre on a annoncé que le président Zardari, en visite à Pékin, a signé 12 accords, dont un engageant la Chine à construire deux autres réacteurs nucléaires au Pakistan. La Chine fournit en outre au Pakistan des avions de chasse JF-17 dotés de moteurs russes, dont la livraison a été autorisée par Moscou.

Dans la « guerre des oléoducs », l’Iran entre aussi en jeu, avec le projet d’un gazoduc qui, à travers le Pakistan, devrait amener en Inde le gaz iranien. Sous la pression étasunienne, l’Inde n’a jusqu’à présent pas adhéré à l’accord. L’Iran s’est cependant déclaré disponible, le 11 octobre, pour construire le gazoduc (coût : 7,5 milliards de dollars) jusqu’au Pakistan, en attendant l’adhésion de l’Inde. Plus difficile encore aujourd’hui, après les attaques à Mumbai.

Manlio DINUCCI
03/12/2008
Publié par Il manfesto.
Version intégrale traduite par Marie-Ange Patrizio.
Publié par Le Grand Soir.

Le terrorisme, une arme de propagande (8)


Le gouvernement chinois, qui livre des armes au Pakistan (33% de ses équipements militaires), se montre prudent face aux attaques « étonnantes » à Bombay, mais se solidarise avec les États-Unis (la communauté internationale) et l’Inde « pour lutter contre le terrorisme ».

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Liu Jianchao a dit mardi que la Chine s’engageait à travailler avec la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme. 

Citant les attaques « étonnantes » à Mumbai, M. Liu a indiqué que le gouvernement chinois avait exprimé ses sympathies et ses condoléances au gouvernement indien et aux victimes.

« Le gouvernement chinois lutte fermement contre toutes les formes de terrorisme, et s’engage à coopérer avec la communauté internationale dont l’Inde pour combattre le terrorisme.

« La Chine souhaite que les parties concernées puissent trouver la vérité sur les attaques terroristes à Mumbai en menant des enquêtes le plus tôt possible », a souligné M. Liu.

Xinhua – Le Quotidien du peuple.

Le gouvernement russe, qui livre des armes à l’Inde (72% de ses équipements militaires), poursuit sa critique de l’inefficacité des États-Unis pour « former une coalition antiterroriste mondiale » [1].

Intervenant à la Douma lors de l’examen du projet de déclaration des députés russes à l’occasion des attentats de Mumbai (Bombay), capitale financière de l’Inde, M.Kossatchev a indiqué que la communauté internationale avait raté plus d’une chance de former une coalition antiterroriste mondiale. 

Rien qu’en 2007, à l’issue de 14.500 attentats, 22.000 personnes ont été tuées et 272.000 autres blessées, a fait remarquer le député.

Le plus grand nombre de victimes a été enregistré en Irak où les terroristes sont de plus en plus nombreux, alors qu’auparavant, avant l’invasion des troupes des États-Unis et de leurs alliés, il n’y avait pas de terroristes dans ce pays, a noté le parlementaire.

« L’Irak est devenu le symbole des erreurs commises dans la lutte contre le terrorisme », a estimé M.Kossatchev.
Et d’ajouter que la situation en Afghanistan n’était guère plus réjouissante.

RIA Novosti.

L’administration américaine met à profit les dernières semaines du mandat Bush pour organiser une coalition contre le Pakistan en faisant un lien entre le groupe Lashkar-e-Taiba et Al-Qaïda… sans apporter la moindre preuve.

Le directeur du renseignement américain Mike McConnell a accusé sans le citer le Lashkar-e-Taïba, un groupe islamiste interdit basé au Pakistan et actif dans la région himalayenne du Cachemire, d’être à l’origine des attentats.
AFP – Yahoo! Actualités

« Que la main d’Al-Qaïda soit ou non derrière ces attaques, c’est clairement le genre de terrorisme auquel participe Al-Qaïda », a dit Rice au cours d’une conférence de presse.
AP – Yahoo! Actualités.

Le président pakistanais Asif Ali Zardari réclame les preuves des accusations du gouvernement indien et lie la question afghane à la question pakistanaise [2].

M. Zardari a aussi affirmé n’avoir pas obtenu de preuves suffisantes que le seul survivant du commando soit un Pakistanais, comme l’affirme New Delhi. « Je doute fort (…) qu’il soit Pakistanais », a-t-il ajouté. 

Le président pakistanais a jugé que si l’Inde tentait de frapper des bases terroristes en territoire pakistanais, ce serait « contre-productif ».

« La menace pèse sur toute la région, pas seulement Bombay ou l’Inde », a-t-il souligné. « La menace pèse sur l’Etat pakistanais, il y a une menace sur l’Etat afghan. C’est une menace sur toute la région ».

AFP – Yahoo! Actualités.

Face donc à la menace d’une guerre contre le Pakistan [3], les alliances se dessinent : la Russie encouragera les États-Unis à finir la guerre contre l’Afghanistan en l’étendant au Pakistan et la Chine jouera la carte diplomatique pour ne pas intervenir dans une guerre qui lui serait plus coûteuse que le statu quo.


[1] Voir : Le terrorisme, une arme de propagande (7), Monde en Question.
[2] Rappelons l’implication des services secrets américains (CIA) et pakistanais (ISI) dans la création, le financement (en provenance de l’Arabie Saoudite), la formation des Tâlebân et d’Al-Qaïda à la fin des années 1970 dans le cadre de l’affrontement global des USA avec l’URSS.
Source : BIARNÈS Pierre, Pour l’empire du monde – Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine, Ellipses, 2003 p.675 à 707 in Dossier Géopolitique.
Il n’est donc pas étonnant que les experts des services de renseignements des États-Unis en sachent davantage sur le groupe pakistanais Lashkar-e-Taiba que le président pakistanais lui-même [AP – Yahoo! Actualités].
Enfin, l’homophonie entre « Lashkar-e-Taiba » et « Al-Qaïda » facilite l’amalgame simplificateur.
[3] Voir : La guerre contre le Pakistan a commencé, Monde en Question.